lundi 29 octobre 2012

Hexenverfolgung - Feldgrau (Self Released?) 2012


De quoi célébrer Halloween à votre façon, vous qui êtes réfractaires du folklore et des denrées mangeuses de molaires. La chasse aux sorcières est en marche, échafaudée dans les tréfonds de catacombes poisseuses à l'acoustique macabre. Le groupuscule présenté aujourd'hui inclut un certain Ekca Liena (Daniel W J Mackenzie) que l'on retrouvait en août dernier aux côtés de Talvihorros pour un split absolument phénoménal (2 pistes à l'appui). Feldgrau tisse un lien étroit avec le diptyque Hexen lui aussi révélé en août de cette année. Combattre le feu par le feu, procédé on ne peut plus sinistre lorsque l'on prend conscience de la cible à atteindre. Rituels occultes et autres expériences transcendantales semblent être le fil conducteur de l'oeuvre du groupe. Parfois intriguants, souvent angoissants, les trois morceaux ne manqueront pas de vous rendre paranoïaque aux moindres mouvements ou bruits suspects autour de vous, sous réserve d'une écoute dans des conditions adéquates.

C'est tout d'abord quelques particules boisées encore ardentes qui attirent votre attention, s'émancipant au compte goutte d'une grotte se situant à quelques dizaines de mètres. A l'extérieur, le soleil n'est plus, contrastant ainsi avec les légères oscillations lumineuses émanant de l'antre. La curiosité domine irrémédiablement  l'angoisse, vous avancez d'un pas hésitant et sentez peu à peu la chaleur du brasier qui se rapproche. Il est trop tard, votre progression est déjà bien avancée, et vous souhaitez par dessus tout comprendre ce qui se passe, là bas, tout au fond. La lumière lunaire était finalement bien meilleure que dans ce guêpier. Vous posez les mains sur les parois crasseuses et polies par l'humidité dans le but d'orienter votre chemin. N'y voyant pas à plus de quelques mètres devant vous, le regard fixe cette lueur jaune-orangée, alors que derrière vous plus rien n'est visible. Le parcours est ralenti par le sol boueux qui vous engloutit jusqu'aux dessous des genoux, et par les innombrables toiles arachnéennes qui se greffent à votre visage. Le corps étant totalement engourdi par le froid, vous ne vous étiez même pas rendus compte qu'il était parcouru de bestioles ayant trouvé refuge dans vos vêtements épais. Soudain, des échos se font entendre, le but se rapproche. Le feu toujours en activité relance peu à peu vos sens, la lumière s'amplifie et vous pouvez enfin bouger les membres à votre guise. Vous y êtes.

Une poignée d'hommes se trouvaient là, rangés en cercle, tous vêtus de la même manière. Vous tentez d'approcher en restant discret, dissimulé derrière une petite paroi rocheuse haute d'un mètre, pas plus.
Le spectacle est ahurissant, et assourdissant. Au fur et à mesure que le rituel se poursuit, un violent courant d'air traverse le lieu, faisant danser les flammes et virevolter les cendres que vous tentez d'esquiver. Autour de vous, les insectes et autres petits mammifères fuient, prenant la tranchée par laquelle vous êtes arrivé. Puis le calme réapparaît. Le feu s'éteint subitement. A l'unisson, le groupe lève les yeux au ciel et semble entamer une invocation macabre sous vos yeux ébahis. Du latin peut-être, mais vous n'y prêtez pas réellement attention. Les corps tremblent sous l'effet de la transe, mais restent solidement scellés au sol qui se déchire doucement de part en part. Les esprits affluent par dizaines, dans un brouhaha de crissements saturés et de hurlements étouffés. Leur nombre décroît lentement, mais les hurlements persistent.  Le dernier résistant arrache un dernier râle qui l'emporte alors à jamais, toujours mêlé aux intonations du groupe qui, un moment exténué par l'expérience, reprend lentement ses esprits, avant de regagner son fief par une minuscule cavité visiblement creusée de ses mains. Ils vous avaient senti arriver, mais n'y avaient accordé aucune importance. Avant de fuir, l'un d'entre eux se retourne vers vous, totalement inexpressif, le regard noir, puis doucement remet sa grande capuche noire, avant de disparaître.

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dimanche 21 octobre 2012

MyOwnCreation - Husch (NrM021 - Nenormalizm) 2012



Un immense territoire inoccupé. Du moins, c'est ce que nous pensions.

Husch est de ces paysages au semblant désertiques dont les éléments sont bel et bien hostiles à toute nouvelle visite inopinée. Vous n'êtes absolument pas le bienvenue, et vous ne tarderez pas à le comprendre. Ilya Dubinets a déjà fait parler de lui via sa collaboration avec Sobrio pour l'album Asafiobia en août dernier. Son alter ego MyOwnCreation surenchérit en fin de mois de septembre, cette fois ci en solo, toujours sur la même structure, Nenormalizm. Une véritable déferlante technique contre laquelle il nous est impossible de lutter. Les forces telluriques se déchaînent avec une violence inouïe, chaque petite parcelle déployant une rage décuplée à chacun de nos pas.

Tout n'est qu'acharnement, le sol étant parsemé de crevasses et de roches tranchantes comme des rasoirs, l'air étant totalement saturé de micro-organismes qui carbonisent les poumons à chaque tentative d'inspiration. Ce n'est même plus de la survie, l'organisme dépérit à petit feu. La roche croule sous vos pieds et parfois même se liquéfie en un claquement de doigts pour mieux vous malmener, les bourrasques vous embrasent tout autant qu'elles vous paralysent de froid. Des reliefs se dressent à des centaines de mètres de hauteurs et s'entrechoquent, juste sous vos yeux, donnant naissance à de colossales secousses. Les conifères grandissent à une vitesse folle, et s'octroient le droit de pousser à travers vos chairs. Quoi que vous fassiez, le résultat sera le même. Bondissez par dessus un brasier, vous tomberez au beau milieu d'un massif épineux; escaladez un cèdre, le vent vous fera chuter en moins de deux. Tentez ensuite de fuir, la terre disparaîtra sous vos semelles. Pourtant tout avait bien débuté. Vous vouliez être seul, laisser votre cerveau de côté et profiter du calme ambiant. Il semblerait alors que vous ayez loupé une marche. Akcey Park, c'est un peu le croche-patte qui déclenche cette descente aux enfers, au sens propre comme au figuré. Concentré noisy et destructuré aux limites du possible, le morceau laisse entrevoir un contenu autrement plus agressif que nous le pensions, même si notre tortionnaire invisible n'en est qu'au stade du craquement de vertèbres à la Bruce Lee. Le calvaire vous semble parfois n'être qu'un mauvais rêve, tant votre état de conscience est diminué par  la souffrance dû à vos multiples plaies. N'étant plus qu'une vulgaire marionnette désarticulée, vous n'avez d'autre choix que de laisser la tempête se calmer, dans l'espoir naïf de bénéficier d'un brin de pitié.

Vous avez désormais totalement disparu, il ne reste plus aucune trace de votre passage, la boue a terminé la travail en vous engloutissant totalement. Calme totale. Comme si en réalité rien ne s'était passé, et la nature sifflote joyeusement en levant les yeux au ciel sur fond de drone. Personne n'était présent pour faire état du phénomène, les victimes seront encore nombreuses, toutes disparaîtront dans l'anonymat le plus complet.
Album glacial mais au penchant totalement abrasif, l'oxygène semble pur mais n'est en somme qu'un agglomérat de bactéries. Les montagnes semblent refroidit à jamais mais n'attendent que vous pour déballer leurs flammes, alors que les chênes millénaires vous observent avec mépris du coin de l'oeil.

Magnifique, terrifiant.

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En téléchargement gratuit juste en dessous.
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vendredi 5 octobre 2012

afarOne - Lucen (KR007 - Karlrecords) 2012


Une pincée de rythmique au programme d'aujourd'hui, après une consistante aparté ambient sur les 3 derniers articles. La transition sera tout de même subtile puisque Stefano Ruggeri à l'origine du projet afarOne déploit un panel de beat bien aiguisés mais d'une fragilité certaine, combinés avec élégance au néo-classique omniprésent d'un homme aficionado du métissage entre instruments classiques et productions assistées par machine. Une sauce qui prend rapidement puisque dès les premiers instants, le soundscaping nous harponne sans retenue jusqu'à l'apparition de la première ébauche rythmique me faisant étrangement penser au travail de Carbon Based Lifeforms, en plus déconstruit. L'album, qui a déja quelques mois derrière lui, a vu le jour sur la superbe structure KarlRecords, à l'origine du gigantesque The Sum Of Disappearing Sounds (Cezary Gapik) ou de l'excellent Ligment signé Ulna, dont vous trouverez les aboutissants littéraires ici et ici. N'ayant pas perdu le fil conducteur du label du point de vu qualité, vous comprendrez d'emblée que le produit vaut son pesant de cacahuètes.

Modeste tentative synthétique de décorticage, commençons par le commencement. Le travail d'afarOne présente des similarités avec r.roo, recrue des structures Tympanik Audio ou encore Raumklang Music. Une preuve en plus du caractère pertinent du rendu. Pour en finir avec les comparaisons, on retrouvera parfois même quelques dénominateurs communs avec Access To Arasaka, dans la manière de traiter le glitch et les ambiances glaciales (Gordon), en moins appuyé toutefois. Des productions sensibles, organiques, toujours teintées d'une mélancolie transpirante, flirtant parfois même avec des paysages plus obscurs. Nous parlions plus haut du soundscaping d'introduction, qui pour en remettre une couche parvient à adoucir nos humeurs d'un claquement de doigts. Le genre d'univers susceptible d'effacer toute présence environnante, laissant l'opportunité à l'imagination de jouer comme bon lui semble. Le piano, chef de fil de ce roadtrip aux environnements tout en désaturation colorimétrique, transperce l'épiderme avec cette triste douceur on ne peut plus imprégnante, nous paralysant sans effort de la tête aux pieds. Souvent, les notes sont amenées distinctement, placées avec recul et réflexion, leur laissant le soin de germer pour finalement s'étendre loin, infiniment loin (Stavrogin). Les blancs sont alors compensées par les beats glitchés un brin organiques contrebalancant l'épaisseur des nappes discrètes ( à quelques exceptions près) mais délicieusement profondes.

6 premiers titres brièvement analysés. Arrive donc Ming, l'atmosphère devient plus lourde, mais aussi plus troublante. Les trois quarts de la piste nous renvoient l'image d'un panorama intensément brumeux, les nappes sont sourdes, rien ou presque ne nous permet d'imaginer ce qui nous attend, mis à part quelques balbutiements d'instruments classiques, rapidement submergés par ce brouillard épais, seul personnage de l'histoire. Plissant les yeux, nous arrivons au terme de quelques minutes de désorientation totale à entrevoir quelques éléments de repère. C'est au final sur un tourbillon limpide voire même aveuglant que l'excursion se clôt, avant d'enchaîner sur le magnifique mais non moins capricieux Trial and Error vacillant entre interférences statiques, noise corrosif soutenu à grand coup de kick saturé, etc etc...

Très bel opus, qui promet un bel continuité, sans jamais répéter les même recettes. Un travail rythmique finement taillé au service de plages ambient et de mélodies classiques saisissantes en font un exercice de style à déguster encore et encore.
Acheter en digital ou physique ici, en écoute intégrale juste en dessous.

Have Faith!