dimanche 30 septembre 2012

Listening Mirror - On the passing of Chavela (DR-02 - Dronarivm) 2012




Poursuivons notre périple ambient avec la sortie du tout dernier Listening Mirror, projet du britannique Jeff Stonehouse, écrit et composé le lendemain même du décès de la chanteuse mexico-costaricienne Chavela Vargas à qui est dédicacé l'album en question. "On the passing of Chavela", c'est 61 minutes de balade au gré des champs étendus à perte de vue, venant faire écho à la longue vie menée par cette chanteuse à la voix si particulière qui nous a quitté en août dernier à l'âge de 93 ans. Paru au sein de la toute jeune structure Dronarivm basée quant à elle à Moscou et menée par Dmitry Taldykin, cet album-hommage vient compléter une discographie tout à fait généreuse à la musicalité et aux ambiances relativement personnelles et spontanées. Si le projet s'est quelque fois immiscé dans vos oreilles, vous saurez donc que le personnage est un féru de field recordings. Gardons en tête l'impressionnant What's Wrong with Miracles datant d'avril dernier, qui au moment d'écrire ces quelques lignes ne manque pas de filer des frissons malgré un grand soleil extérieur.

On the passing of Chavela joue la carte de la constance et développe une ambiance plus linéaire que l'opus cité précédemment même si l'on reconnait bien la touche caractéristique de Listening Mirror, notamment grâce aux injections de guitare soigneusement dosées. Nous imaginons aisément via ces légers pincements le souvenir d'une âme dématérialisée de son corps. Le souvenir est flouté par les années, mais le symbole demeure. Cette petite poignée de notes vient se diffuser en parfait équilibre avec les nappes brumeuses parsemées d'ombres vagabondes suggérées quant à elle par quelques voix délicieusement ouatées.

 Notre escapade est longue, nocturne, rythmée par le chant continu des grillons et par un vent lunatique qui glace l'échine à chacune de ses apparitions, tandis qu'autour de nous les ombres se font plus omniprésentes. Votre corps attise tout de suite la curiosité, et les quelques êtres vivants (ou non) peuplant les lieux ne tardent pas à converger vers vous, ils vous observent, vous analysent, mais restent toujours à distance, installant alors un climat du pudeur et de pesanteur limitée. Le linceul enveloppant l'épopée est teinté d'un camaïeux légèrement grisâtre, car le britannique s'adonne plutôt à un exercice en clair obscur peu contrasté qui s'avère absolument poignant. Plutôt propice aux balades nocturnes, l'expérience pour le moins onirique préférera donc le post-crépusculaire au réveil matinal.

À la fois doux et parfaitement imprégnant, sombre mais étincelant, statique et pourtant élégant, l'album restera un hommage très personnel, émouvant et sincère, dont le ton profondément aérien ne manquera pas de se hisser vers la regrettée concernée qui nous regarde de tout en haut.
En écoute sur le bandcamp du label, via lequel vous pourrez vous régaler des autres sorties tout aussi saisissantes.

Have Faith!


mardi 25 septembre 2012

The Picturesque Episodes - Young Galaxy (PF032 - Pocket Fields) 2012



Nous avions déjà glissé quelque mots auparavant à propos de la sérieuse structure basée à Saint Pétersbourg Pocket Fields, à l'occasion de la sortie de l'album Light Procession proposé par Daniel W J Mackenzie dit Ekca Liena, qui d'ailleurs aujourd'hui secoue toujours autant. Assignées d'une constance notable, les sorties émargées par le label continuent d'esquisser des paysages sonores toujours plus poignants, à l'image de ce Young Galaxy signé The Picturesque Episodes, ou Darius Gerulis dans le civil. Il semblerait que le projet soit Lithuanien, et qu'il partage ici son quinzième opus. Découpé en 9 chapitres, cette " jeune galaxie " intrigue aussi bien qu'elle émeut. De courte durée, le voyage n'en demeure pas moins prenant, car pour un album étiqueté ambient, il est important de préciser que les morceaux ne dépassent pas les 5 minutes 30. Habitués aux longues plages immersives pointant aisément les 7 ou 8 minutes, certains peineront donc à se plonger totalement dans la narration. Pour les autres, l'objet se révélera être un véritable bijou. C'est ici l'album le plus court et peut être le plus direct auquel nous confronte TPE.

Introduisant son récit sur un délicat coussin post-rock comme titre éponyme, nous comprenons d'emblée que le type n'ira pas par quatre chemins. Encore une fois, au vu du style arboré, c'est plus que notable... Il y aura donc les sceptiques d'un côté, ceux qui opterons pour la théorie de la flemmardise, ou prônant un manque de créativité certains. Les autres (optimistes?) dont nous faisons partie pencherons alors vers le constat d'un artiste devenu plus synthétique, ayant une idée mieux tracée de ce à quoi il désire faire tendre son propos. Bref.
3 notes de piano. Plutôt basses. Rien de bien compliqué donc. C'est pourtant ce qu'il suffit pour captiver toute notre attention et faire briller nos petits yeux devant l'écran, le temps d'un court Escape Your Rhodes Heart à l'émoi montant en creshendo. Une sorte de puissance feutrée, simplement suggérée ou schématisée pour ne garder que l'essence même du concept, la substance la plus concentrée possible. Les morceaux se succèdent, toujours avec une fluidité tranquillisante qui incite au recueillement. À la fois souriant mais marqué de tristesse, le personnage poursuit sa longue épopée spatiale dont on nous présente ici les vestiges du carnet de bord. Mais alors qu'un puissant halo de lumière vous aveugle et vous pousse au repli, Old Static fait son entrée en jeu. Indescriptible, là c'est juste à chialer. D'autant plus lorsque l'on se rend compte que c'est vraiment court. Comme si progressivement, on vous ôtait le cadeau le plus précieux qu'il vous ai été donné d'avoir. Nothing Beyond clôt le voyage sur un ambient stellaire, statique et majestueux, qui parfait cette bâtisse au demeurant étroite mais qui pourtant offre de nombreux étages...

Un album presque preview qui suggère plus qu'il ne dévoile. Protecteur du concept de la track-album étendue à plusieurs dizaines de minutes, il vous semblera peut-être difficile de vous imprégner réellement du produit. Ce type là sait ce qu'il fait, mais n'est pas très bavard. Accrochez-vous à ses marmonnements, car ce qu'il a à vous dire pourrait vous surprendre. Je ne dis pas que les moins bavards sont les plus pertinents et que les prolixes sont ennuyeux à mourrir, mais ici nous resterons persuadés, que tout simplement, TPE en a dévoilé autant qu'il suffisait.
Téléchargeable gratuitement via le bandcamp, ou sur le site de Pocket Fields.


Have Faith!

samedi 15 septembre 2012

Broken Harbour - Broken Harbour (Not on label) 2009



Trouvé une fois de plus à tout hasard, voici en guise de reprise d'activité un petit chef d'oeuvre ambient qui je l'espère compensera cette longue attente aucunement intentionnelle. La faute au haut débit. Opérons un grand détour outre-atlantique avec le projet Black Harbour du Canadien Blake Gibson auteur l'an passé du Gramophone Transmissions renouant quant à lui avec un certain sens de la mélodie, à contrario de son album liminaire éponyme qui nous intéresse aujourd'hui, où tension minimaliste et endurance hypnotisante croisent le fer. Un résultat parfaitement fascinant à condition de s'abandonner pleinement au processus. Car en réalité, la muraille drone au demeurant infranchissable entourant l'édifice s'avère être victime du poids des années passées, laissant à notre disposition de quoi traverser via quelques interstices de roches érodées, formant ainsi un chemin direct vers des contrées infréquentées et totalement désertiques.

Traduction de quelques rêveries autour de l'exploration cosmique, le résultat est d'autant plus contemplatif qu'il expose une tranquillité extrême bien rarement perturbée. Émerveillés par ce nouveau paysage tout en poussière et rocailles, c'est un réel sentiment d'impuissance qui ne tarde pas à prendre le dessus, car au milieu de tout cela, nous ne sommes rien, juste quelques particules de plus. Les puissants tremblements de Beauty in Desolation pt.1, que Talvihorros et son plus coloré From Within A Hollow Body (part 1) ne bouderaient pas font état du panorama dont on ne perçoit pas les limites, n'ayant aucun point de repères. Très peu de variations de reliefs et de climat, le tout étant schématisé en 18 minutes qui sont à couper le souffle. Mais finalement, l'endroit est-il vraiment inhabité? Car oui, l'enthousiasme laisse rapidement place à une angoisse pesante, car quelque chose rode autour de nous, nous ne voyons rien, mais nous le sentons.
A quelques kilomètres de là, au milieu de rien, quelques formes ectoplasmiques errantes et tournoyant parfois même autour de nos chairs nous poussent à penser que finalement nous ne sommes pas les premiers êtres vivants à avoir foulé ce sol. De votre côté, vous etes totalement figés, plus statique encore qu'un monolithe.

C'est finalement avec Requiem For Dead Spaceman que la Canadien ébauche un semblant de sentiment, dressant un voile de tristesse sur ce morceau au nom évocateur. Un autre homme est passé par là. Ce paysage fût le dernier imprimé dans sa mémoire, son corps repose désormais ici, à tout jamais. Adjoint de spoken word masculin en toile de fond, le titre prend alors une dimension plus cérémoniale, comme une dernière prière pour le courageux astronaute défunt. Déchirant. La suite est de ce fait appréhendée de tout autre manière, revisitant ce lieu à la beauté désolée pour en extraire une tonalité plus effrayante. Les nappes s'épaississent, l'atmosphère s'alourdit. L'ultime piste est une petite merveille brumeuse de progression drone.

L'immersion repose sur un jeu d'infra basses absolument impressionnant. L'expérience est à vivre au casque, volume à fond tant que faire se peut. L'album est long, mais inutile de vous dire que vous ne perdrez pas votre temps. Disponible en CDr pour 10 euros environ (shipping inclus) sur le bandcamp ci-dessous, faites vous plaisir si les longues plages de drones statiques ne vous effraient pas. 

Have Faith!