samedi 20 avril 2013

Crypture ‎– Bifacial (Echomania ‎– [echm-014]) 18 mars 2013



Le label biélorusse Echomania ne vous est surement pas totalement inconnu si vous suivez un tant soit peu ce blog. Le savoureux Scape Destructive Putrescent, effort signé Klaus Kinski, avait fait l'objet d'un article l'été dernier. Passons l'étape de la présentation donc. Eugene Mitskevich, manitou de la net-structure, exerce sous le pseudonyme Crypture et cédait le mois dernier toujours en téléchargement gratuit une pièce des plus intéressantes, j'ai nommé Bifacial, produite et masterisée entre 2010 et 2012. Quelle étrange pièce que voilà.

Hydre à deux têtes, difficilement identifiable avec précision. Double visage, bipolarité, noir ou blanc, autant d'idées vagues et au premier abord vides de sens auquel l'intitulé peut référer. De cette observation naît toute une flopée de questionnements. Le plus pertinent étant de s'interroger sur le lien tissé avec l'artwork. Une architecture d'acier et de béton, bouchon de liège démesuré qui divise mère nature comme Varsovie en 39-40. Il y a d'une part ce torrent libre, puissant, qui dégueule ses mètres cubes d'eau, faisant fi des obstacles, abstraction faite de ce caillot grisé qui, d'autre part, apprivoise la bête, gardant un oeil autoritaire sur les moindres faits et gestes de son voisin de palier.

Le sauvage, (le belluaire) et le dompté. C'est peut-être de cette manière là que l'album (l'EP?) s'interprète. Mais qu'importe, puisque la traduction est libre à chacun. Bifacial s'appréhende de deux façons. Il se dessine de prime abord sous l'impulsion de Steel, Fog and Mutilated Tree, entièrement atmosphérique, drapé de drones impressionnistes. Paisible, dompté, mais déjà troublant. Pseudo poursuit alors le même chemin, mais ce durant la première minute de son existence. Nous avons connu le dompté, nous sommes sur le point de connaitre le sauvage. Et là, tout est différent. Le virage est à 90°, coupé net par la détonation glaciale de cette 56ème seconde qui ne manque pas de coller son lot de frissons. Le chemin se divise progressivement en une multitude de réseaux, circuits imprimés et élaborés à grand coups de breakbeats cinglants. Nous avions fait fausse route. N'étant pas foncièrement sensible à ce type de rythmiques, cette fois je dois avouer que je suis totalement convaincu.

Bifacial est globalement assez sombre, pour ne pas dire totalement noir par moments. C'est dans ces eaux troubles, silencieuses où vagabondent des dizaines de créatures indiscernables qu'Eugene Mitskevich nage avec le plus d'aisance et d'efficacité. Les productions apparaissent bien plus poignantes, intenses et profondément immersives, conséquence logique de la comparaison immédiate avec Keep Balance notamment, titre final tout de même plus lumineux, juste milieu en demi-teinte d'un parcours sacrément orageux. Retenons alors le progressif Submarine. Collapse ou encore (et surtout) Mass Movement. Ses textures stridentes, sa force de frappe impressionnante, et ses lignes mélodiques à vous figer un flux artériel. Une sacrée taloche...

Crypture brille lorsque ses idées noires le transcendent. A l'inverse, ses productions perdent en expressivité tandis qu'elles se vêtissent d'un linceul plus lumineux. Dans son ensemble, Bifacial reste de grande qualité, en prenant comme référence les morceaux susmentionnés, et ne présage que du bon pour la suite.  Eugene Mitskevich est capable du meilleur malgré quelques succincts incidents de parcours. Restons optimistes, cela sera sûrement corrigé dans les prochaines releases. Un 7-titres qui reste tout de même indispensable, et téléchargeable ci-dessous.

Have Faith!



dimanche 7 avril 2013

William Ryan Fritch ‎– The Waiting Room (Lost Tribe Sound ‎– LTS-013) 2013


"I was thinking of Highland as just a remarkable place for a story about a community that was struggling day to day to get by," he says. "I was just surprised by the richness and the depth of the characters that she described."


L'album est une bande originale. Elle vient accompagner le documentaire (et premier long métrage) de Peter Nicks qui s'immerge dans les services d'urgences du Highland Hospital d'Oakland. William Ryan Fritch quant à lui, n'est autre que Vieo Abiungo, auteur de l'excellentissime Thunder May Have Ruined The Moment accouché l'an passé via Lost Tribe Sound, structure (implantée aux USA) à laquelle il semble solidement attaché sous cet alter ego. C'est donc sous son vrai nom cette fois-ci qu'il se dévoile, laissant de côté son double fictif comme pour imprégner plus encore l'histoire et le quotidien qu'il a tenté de mettre en musique, et afin d'apporter d'autant plus de véracité à ses 12 travaux peut-être. Je n'ai pas eu la chance de pouvoir visionner le reportage, le contrat n'est rempli qu'à moitié donc...

En outre, à la place d'OST, nous opterons plus volontiers pour album. Oui, tout bêtement. Donc pour contourner le problème, mieux vaut appréhender ce The Waiting Room comme ce qu'il est vraiment, un album. Une excellente pièce de surcroît, si l'on veut débuter par la conclusion. Le ciment qui vient consolider davantage la façade de Lost Tribe Sound qui selon moi a de belles années devant lui, qui impressionne et émeut plus encore à chaque nouveau rejeton. D'ailleurs, le Our sound is our wound de Graveyard Tapes n'a fait que renforcer l'intérêt déjà grandissant que je porte à cette maison de disque qui mériterait de gagner en visibilité.

Toujours aussi variée, maîtrisée, la musique du multi-instrumentiste s'empare toujours avec autant d'aisance aux synapses. Une aptitude hors norme à plonger l'auditeur dans un univers onirique voire plus mélancolique d'un simple claquement de doigts, et ceci même dès les premiers instants d'écoute. Quels que soient les moyens techniques utilisés au sein des morceaux, on retrouvera ce penchant assumé pour l'expérimentation, mêlant violoncelles, guitares et j'en passe. Loin d'être ardue, escarpée, la production se laisse dompter sans sauvagerie aucune. Il serait même évident d'opter pour un constat contraire. L'oeuvre reste d'une grande accessibilité, faisant inéluctablement écho au travail de Vieo Abiungo.

Finalement, nous retrouvons toujours cette force émotionnelle caractéristique des essais du bonhomme. C'est à partir de là qu'il est possible de créer un lien avec le dessein même de Peter Ricks, puisque ne l'oublions pas, l'album illustre un documentaire. Cette musique là est faite pour illustrer l'image animée. Il sera difficile d'être à 100% objectif concernant la qualité du long métrage, mais il  reste évident que le succès d'un film repose également sur la bande originale qui l'accompagne.

Entièrement instrumental, The Waiting Room est une réussite. Jonglant entre titres rythmés et plus "ambient"', les pépites se succèdent sans ménagement. Un parcours sans fautes de 43 minutes sur lequel tout un panel de sentiments sont déployés, toujours saisissants d'authenticité. Chacun des morceaux conte une histoire différente, un moment ou une péripétie spécifique, saisis entre deux doses de caféine une nuit de garde, alors que les aiguilles de la pendule semblent tourner au ralenti. Coda, ou encore The cost, the value of health... Non en réalité il est impossible de choisir des titres en particulier. Non honnêtement, c'est peine perdue. Tous ont gagné le droit à quelques lignes d'éloges, mais ce papier pourrait rapidement gagner en lourdeur. Terminons sur quelques intuitions: The Waiting Room n'aura aucun mal à s'offrir d'excellents retours, voire même à se hisser dans les tops de 2013.

Beau, beau, beau.

Have Faith!


samedi 6 avril 2013

Entretien/Interview Chevalien @ Tours (29/03/2013)



C'est finalement la veille de mon départ définitif de Tours que l'interview se fera. Mieux vaut tard que jamais donc. En outre, je me rend compte à quel point cette expression est à chier. Au vu du peu de préparation qu'a nécessité cette interview, on ne peut pas dire qu'elle en soit réellement une. J'ai eu la chance de pouvoir écouter une partie de Cover up your faith, premier EP du projet hybride Chevalien né en Avril 2011 sous l’impulsion de Benjamin Emmanuel Chauvet, 23 ans. Mené en solitaire par B.E.C lui-même, ce projet est selon lui « son groupe, dans lequel il est tout seul » où s’entremêlent autant que possible le son et l’image. Batteur depuis ses 14 ans dans différentes formations comme The Scales ou encore Lethal Unraveling, il est également Dj au sein du $hinoBusiness.

 Il y a quelques jours sortait le premier morceau Cvan, grosse ogive electro/hip hop accompagnée du superbe clip signé Valentin Petit, l'occasion pour HFIS d'en savoir un peu (beaucoup) plus à propos du projet...



Chevalien - Cvan (Valentin Petit)


Compte rendu de la discussion avec Chevalien/Benjamin Emmanuel Chauvet du 29 mars dernier à Tours:


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Artwork : Thibault Daumain


HFIS : Pour faire office d'introduction, peux-tu te présenter, ou tout simplement nous parler de ton parcours de musicien? Comment en es-tu arrivé à produire ton premier EP solo via le projet Chevalien, puisqu'il me semble que tu évoluais déjà au sein d'un groupe?

: Oui, je suis toujours batteur dans un groupe (je l'ai été dans beaucoup de groupes en fait) dans ma région, le berry, à Bourges. J'ai toujours été intéressé par les musiques électroniques, et j'ai grandi en écoutant tout autant de metal que de rap, l'écoute intensive des deux m'ayant pas mal influencé. J'ai donc bouffé toute la scène neo-metal qui mélangeait bien les deux et qui était vraiment une aubaine pour moi quand j'étais adolescent, et j'ai donc eu pas mal de groupes (de metal notamment) qu'on essayait de mener sérieusement même si on avait 17 ans, c'était donc un peu difficile, on avait pas forcément le sens des réalités et on était donc un peu loin du compte, malgré notre passion. Sinon, pas mal de formation, je suis passé par le conservatoire (dans une classe jazz) de Bourges pour essayer de me perfectionner à la batterie. J'y suis resté 2 ou 3 ans, mais ça m'a quand même bien saoulé. Mis à part ça, j'ai joué dans des groupes de funk, de chanson française, de reprises, pas mal de trucs de jazz, dans un big band aussi. Dernièrement, je suis dans (anciennement) Dark Lemon Juice qui est devenu The Scales,c'est un groupe de rock indé. Mais bon je leur ai annoncé que j'avais un peu fait le tour et que je les accompagnerai jusqu'à ce qu'on enregistre le prochain EP qui va se faire le mois prochain, avec une tournée si tout se passe bien, et qu'ensuite je les laisserai trouver un autre batteur. De mon côté je veux juste me consacrer à Chevalien et à mes projets personnels, qui me prennent pas mal de temps, en espérant que ça fonctionne. Depuis 2008 j'avais fait un stage à Emmetrop, une espèce de friche culturelle dans laquelle tu peux répéter et qui avait organisé une journée de formation sur le logiciel Reason. On s'était inscrit avec un pote par curiosité, et c'est comme ça que tout à commencé, jusqu'à ce que j'achète un Macbook. Après je suis passé sur Live Ableton, et j'y suis toujours. Entre temps, j'ai eu d'autres groupes, certains au sein desquels je pensais pouvoir développer ma vision, mes envies musicales autant que je l'espérais, mais j'étais peut-être un peu trop tyrannique envers les gens avec qui je travaillais parce que j'avais une idée bien précise de ce que je voulais faire, et du coup ça n'a pas fonctionné parce que j'étais pas assez diplomate, et j'ai fini par les laisser continuer sans moi car ce qu'ils faisaient était très bien, mais je n'avais plus forcément ma place dans ce projet.

HFIS : Et donc comment s'est déroulée la transition vers Chevalien? Comment peux-tu définir ce projet?


: Je pense que ça part d'une frustration, et d'une idée bien précise dans ma tête de ce que je voulais faire depuis plusieurs années, au fil de tous les groupes que j'ai pu avoir. La frustration de ne pas arriver à atteindre ce que tu veux, ou pas suffisamment, près du compte mais pas réellement comme tu le voudrais. Ce qui m'a le plus peiné c'est que j'aime la musique, point. Je n'aime pas un style en particulier, et ça m'attriste un peu parfois lorsque tu parles de rock à quelqu'un qui écoute du rap ou l'inverse, t'as l'impression de parler maçonnerie à un boulanger, alors qu'on parle de la même chose. Une sous catégorie d'un même ensemble, ça m'emmerde sachant que je ne fais pas de scission entre les styles que j'écoute, et je pense ne pas être le seul, c'est d'une certaine manière l'apparat de notre génération aussi. Du coup j'avais besoin de développer un projet qui ne nécessite pas 10 sides projects pour être satisfait et pour être dans mon élément. Du coup j'ai essayé de travailler avec des gens à plusieurs reprises, avec une chanteuse, des potes etc... mais à chaque fois ça ne fonctionnait pas. Premièrement, parce que je suis un peu un connard, je peux être très rude et très raide. J'ai fini par accepter que je ne pouvais travailler correctement que tout seul, au moins pour la partie composition et texte, parce que au final c'est plus facile d'arriver devant un ingé son (en l'occurence Pierre Mottron dont je vous invite à aller écouter la musique) et de lui laisser le mix/mastering mais avec mes trucs à moi déjà terminés, sans avoir besoin de se prendre la tête avec ton groupe. Du coup pour la partie composition, c'était toujours un peu délicat dans les groupes où j'étais, parce que chacun à sa vision des choses, la mienne n'est pas meilleure que celle des autres, mais elle m'importe quand même puisque c'est la mienne...
Ajouté à celà le souci de passer d'un style à un autre dans un même projet, ce qui personnellement ne me pose aucun problème.



HFIS : De ce fait, est ce que toutes ces formations t'ont influencé dans ta manière de produire en solo, ou est ce que Chevalien a été appréhendé comme quelque chose de totalement nouveau/indépendant avec donc ton propre ressenti ?

: Dans la façon de produire techniquement parlant, je ne pense pas vraiment parce que c'est de la MAO (en très grande partie) et que concrètement j'étais instrumentiste dans tous les groupes que j'ai eu avant. Donc je suis vraiment novice dans ce truc là, et je fais ce que je peux avec des bouts de ficelle, c'est pour ça que j'avais grandement besoin d'un mec comme Pierre Mottron, qui lui est un peu un grand manitou de toutes ces conneries là, qui pouvait répondre à beaucoup de mes questions et régler les problèmes que j'avais rencontré liés à ma façon de produire.





 HFIS : Concernant la promotion autour de ton premier EP, nous avons pu voir que tu jouais beaucoup sur les fausses pistes, notamment depuis le premier teaser mis en ligne l'année dernière qui m'avait mis la puce à l'oreille. Tu disais que le morceau présent sur ce teaser ne figurerait pas sur Cover up your faith, teaser qui mélangeait déjà image et son ( assez rare pour un projet sur le point d'être lancé à mon humble avis ).

: Oui, c'est une volonté propre. C'est l'avantage de travailler seul, car tu peux faire ce que tu veux pour tout ce qui est promo et tu n'as pas besoin d'en parler 40 ans avec les autres membres du groupe.
J'ai donc 2 passions, comme pas mal de gens j'imagine : le son et l'image, autrement dit la musique et le cinéma, et j'ai toujours voulu garder quelque chose de très « esthétique » , où tout du moins visuel depuis que je souhaite faire de la musique, en plus de quelque chose de sonore. Donc c'était pour moi essentiel, dès le début, même si tu donnes pas à manger aux gens, si tu n'envoies pas une track... ce que je me suis vu reproché maintes et maintes fois, et à juste titre, car c'est bien gentil de faire des teasers etc... mais au bout d'un moment faut balancer du son, ce qui est vrai, mais du coup je me suis dit : c'est pas grave, on va jusqu'au bout, on fait patienter les gens même si certains se désintéressent. Mais ça restait important pour moi d'avoir ce postulat de base qui est que Chevalien ça sera au maximum si ce n'est toujours, du son et de l'image. Donc voilà l'explication pour les teasers, en plus de la nécessité de créer un contenu que tu peux faire tourner facilement.

HFIS : Et finalement, comment tu comptes sortir l'EP, sous quelle(s) plateforme(s) ? Cherches-tu un label ?


: Oui, peut-être, mais est ce qu'au jour d'aujourd'hui un label ça sert encore à quelque chose ? Je ne sais pas, mais je verrai les retombées si le clip fonctionne comme je l'espère. Espérons que j'ai des propositions de distributions, de bookings, ou de labels... Mais je me poserai la question en temps et en heure si j'ai des propositions intéressantes. Après je pars du principe que tout le monde va s'en foutre, comme d'habitude, et que du coup je sortirai l'EP en indépendant comme je pourrai, avec mes moyens. Si c'est possible de faire autrement j'en serai bien évidemment ravi puisque l'objectif c'est vraiment d'arriver à en vivre à moyen termes, donc bien entendu ça m'intéresserait de travailler avec des gens pour professionnaliser le truc. Jusqu'ici, mis à part les plates-forme de téléchargement, je ne vois pas trop... en espérant que la sortie du clip va changer quelque chose.

HFIS : Tu envisages la sortie physique?

: Jusqu'à peu je ne savais pas encore, mais en fait ça semble essentiel rien que pour la promotion, puisque les liens par emails n'ont aucun impact. Lorsque tu envoies un cd, il y a plus de chances que le type l'écoute, qu'il y ait justement plus d'impact...


HFIS : Le côté non-dématérialisée de la chose, c'est certain que c'est beaucoup plus intéressant...

C : C'est sûr, et au final j'aurai tellement travaillé sur cet EP que ça serait pas mal de le matérialiser, donc rien que pour la promotion j'envisage peut-être un pressage dans un premier temps pour envoyer aux distributeurs, aux bookers, aux radios. Je pense que ça peut être une bonne chose. 

HFIS : Retombées ou non, l'avenir de Chevalien, tu le conçois comment?

C : La suite logique après l'EP, c'est de confirmer l'essai si ça fonctionne, avec un album. Comme je te disais, le projet est amené à être mon activité principale sous peu, donc (en plus de mon taff de DJ) «artistiquement» c'est quand même ça qui me motive au jour d'aujourd'hui. Faire des tracks qui plaisent et me plaisent, et les mettre en images le mieux possible.




HFIS : Ça me fait penser alors (à une autre échelle bien sûr) aux Divine Paiste que tu connais (une autre formation tourangelle) qui préparent un album concept mêlant image et son...

C : Oui, c'est un concept à part entière, ils sont allés vraiment au bout de la chose, et c'est admirable parce que c'est une somme de travail et d'emmerdes assez conséquente je pense. Mais c'est un beau projet. Personnellement si je pouvais clipper chaque track que je sortais (en partant du principe que t'évites de les sortir quand tu estimes qu'elles sont moyennes) ce serait parfait. Si j'avais suffisamment d'idées, de matériel et d'argent pour le faire c'est ce que je ferai. Après tu peux perdre en impact (je pense que du coup c'est bien plus facile pour un EP de 4, 5 ou 6 titres)  sur un format album. Clipper 12 titres, ça peut paraître excessif dès lors que ce n'est pas guidé par un concept cohérent, comme Divine Paiste l'ont fait, avec une trame et des morceaux qui s'enchaînent comme j'imagine qu'ils ont fait. Pour Chevalien, c'est très hétéroclite, car sur l'EP t'as un morceau hip-hop/electro, un autre de trap à moitié 8-bit, de folk-pop, de musique de film, c'est vite le bordel en image après. Mais en même temps ça peut être très intéressant car tu peux prendre des directions totalement différentes... A voir si l'on peut conserver une cohérence, une homogénéité à l'arrivée...


HFIS : (À ce moment là, passage à vide et plus aucune question ne me vient à l'esprit)


C: J'ai parlé de Pierre Mottron tout à l'heure donc on peut parler de Valentin Petit aussi qui a réalisé le clip et qui a donné une petite interview pour Hip Hop du Sud il y a peu. J'aime beaucoup ce qu'il fait, je le connaissais à l'époque, c'est une connaissance de Bourges que j'ai pu croiser en soirées via des amis en commun. Du coup je l'ai contacté il y a plus d'un an pour lui proposer le projet. C'était pas gagné parce que j'avais un budget serré, que lui était très pris, mais il a suffisamment accroché au truc pour dire banco et qu'on puisse se lancer. On devait tourner en été, ça ne s'est pas fait...du coup on a tourné en automne, ce qui finalement n'est pas une mauvaise chose même si ce n'est pas toujours simple au niveau des lumières pour le clip, et surtout au niveau du temps... Mais j'espère que ça portera ses fruits à l'écran. Je pourrai être plus insatisfait du résultat, sachant que je ne suis jamais content...

HFIS : Et donc ce premier clip, tu l'as imaginé seul? Quelle idée tu souhaitais en dégager à travers ce côté mystique/sorcellerie plutôt original dans un registre musical comme celui-ci?


C : J'aime ce côté mystique, religieux, et qui à la fois ne parle de rien en particulier, qui induit juste une certaine idée de spiritualité, quelque chose de plus grand, alors que je ne suis pas du tout quelqu'un de croyant, à aucun moment. Mais inversement, je suis quelqu'un qui ne demande qu'à croire, qui aimerait croire. D'où le côté se créer son propre mythe, développer sa propre mythologie. Ça peut paraître arrogant, mais c'est avant tout amusant. J'espère que c'est quelque chose que j'aurai l'occasion de développer si j'ai les moyens nécessaires à l'avenir sachant que cette version du clip est un peu différente de ce que j'avais prévu à l'origine, beaucoup moins orientée mythologie créée de toute pièce que ce qui était prévu à la base. Mis à part ça, une grosse part de DIY je tiens à préciser, notamment pour trouver tout ces putains de mini vélos.

Pour la réalisation j'avais des idées bien claires de ce que je voulais, le foulard dans gueule, des plans portraits etc... mais j'ai laissé totalement libre Valentin Petit. Je voulais simplement être au maximum présent pour le montage, mais pour la réalisation, pas une seule fois j'étais derrière la caméra. Si c'était pour faire son taff à sa place je ne l'aurai pas appelé...

Pour les accessoires c'était beaucoup de débrouille, et d'acquisition en amont du clip, pas mal des sappes sont les miennes, mais aussi en allant faire la revue des gardes-robes des figurants, des fripes etc...ce qui finalement est cohérent avec cet espèce de «camp de gitans» plutôt intemporel. Je ne sais pas si ça se ressent vraiment, ce côté un peu post-apocalyptique ? J'ai voulu éviter les clichés du genre mais c'est aussi quelque chose que je voulais transmettre, une histoire qui pourrait se dérouler aussi bien il y a 30 ans que dans 30 ans. J'ai voulu jouer de certains clichés, mais aussi en éviter certains inhérents au style. 


HFIS : La question qui tue, comment définir ton EP, le plus simplement possible?

C : Hybride, je l'espère.

HFIS : Et pour la dernière, carte blanche, le mot de la fin.

C : Je ne sais pas trop, je me demande toujours ce qu'il faut dire dans ces cas là, donc en général je ne dis rien. J'espère simplement que les gens apprécieront le fait que c'est tourné à l'international dans le sens où c'est un EP exclusivement en anglais. C'est un choix. C'est compliqué pour moi d'écouter du rap français au jour d'aujourd'hui (en dehors du Saian Supa Crew, IAM et Booba) car selon moi c'est plus quelque chose qui s'écoule, donc un «flow», avec une mélodie permanente des mots, de la voix, mais pas forcément du sens même si j'essaye d'accorder un soin particulier aux textes. Ça ne me dérange pas d'écouter des choses très décérébrées, dès lors que la musique des mots me plaît... Donc c'est une volonté propre. C'est un moyen de se concentrer vraiment sur la musique, de la vider de son sens, et de l'apprécier dénuée de tout contexte, simplement comme une onde.

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Merci à lui d'avoir consacré un peu de son temps, et à Bertille pour la correction.