vendredi 28 décembre 2012

Speck - Harmonia (ECHT01 - Echotourist) 2012



Le grand frisson. Harmonia, un disque à double tranchants, aux bords affûtés comme des rasoirs, et parfois même déchirant. Cette intrigante sensation de froid intense que l'on ressent lorsque l'on se brûle la main, sorte de douleur aiguë qui nous fait réagir au quart de tour. Harmonia, c'est un peu tout ça. Surprenant, éreintant, beau, effrayant, les qualificatifs ne manquent pas, à défaut d'informations sur le producteur en question. 4 albums à son actif, quelques EP parus sur GV Sound et un You Are Alone, sorte de mélange entre Klaus Schultz et Gas 0095, donc sensiblement différent de l'album dont nous nous soucions aujourd'hui. Nous n'en savons pas plus.

Somptueux face à face musclé entre la Belle et la Bête, scène de ménage à coup de jet de porcelaines, Harmonia (Hymn #0) se tient tel un animal aveugle et blessé, qui s'agite dans le vide comme pour se défendre, usant ses forces à petit feu. À ses côtés, elle se raille, en silence, lui laissant le soin de s'affaiblir par lui même. Emporté par sa force, il s'épuise. Genoux à terre, il se laisse finalement tomber de tout son poids. Elle, au piano, est toujours là. Ses gestes, minimes, sa présence, quasi indétectable, font redescendre lentement le conflit. Pour quelques instants seulement, avec l'entrée en jeu de Kismet, assez différent et même carrément perturbant pour ne rien vous cacher. Pas plus de quelques secondes après son lancement, on en prend plein la tronche. Ce noise là est violent, virulent, bouillonnant. Les stridences en deviennent presque malaisantes, nous sommes faces à une sorte de ballet de cétacés mécaniques aux cris larmoyants et plaintifs, un immense cri de détresse. En somme totalement terrifiant, tout autant que Find Me Find Me, raz de marée corrosif à l'intitulé probablement ironique. Car au milieu de ce vacarme sans nom, distinguer les éléments n'est pas chose aisée. Écorces, branches entières, sable et même roches se voient emportés par ce déferlement de colère. Hors de question de lutter. Ah? La tornade semble s'être éloignée, nous y voyons désormais plus clair. Nous l'avons trouvé.

Gardez l'excellent Hymn#0 en tête, car la seconde partie est encore meilleure, et qui plus est un putain de chef d'oeuvre. Même en fin d'album le type parvient à nous surprendre. Mélange détonant entre l'abrasion d'Hymn#0 et l'émotion de Kismet, Harmonia (Hymn#1) est sans contester LE morceau par excellence. 9 minutes susceptibles de faire aimer un album entier... Rarement la claque aura été si violente. La trace de main sur la joue risque de rester un bon moment. Rien de bien original compte tenu des pistes précédentes pourtant, mais là impossible de rester insensible face à un engin pareil, ça impose le respect tout simplement.

Echotourist n'avait pas trop de soucis à se faire en misant sur Harmonia pour lancer sa première release. Départ réussi, et prions pour que Speck réitère. Je ne suis pas fanatique des notations d'albums, mais là difficile de mettre en dessous de 9/10, l'album est superbe... Et en téléchargement gratuit!

HAVE FAITH


dimanche 23 décembre 2012

Oneirogen - Hypnos (DEN144 - Denovali) 2012



Oneirogen déploie son univers, la fin d'un règne, un nouveau jour veut se lever. Et c'est au coeur d'une nature apprivoisée que le sifflement des feuilles, le souffle du vent rendent sa vitalité au lieu. Ce dernier, sombre et déchirant, pleinement atemporel, jonché de végétaux s'agitant dans un brouhaha intense. Des effets de reverbes aux angles bien taillés vous font perdre lentement tout repère spatial. Une seconde piste, Consumed, apparaît alors comme un bouleversement. Un bruit mécanique, sourd, puissant s'impose au paysage enchanteresque évoluant sous le poids de cette ambiance décadente. La nature peine à se faire entendre sous l'importance de ces distorsions. Le ciel se fissure de part et d'autre, jusqu'à entendre les échos des plaintes brutales de ces spectres partiellement rematérialisés, qui hurlent de douleur, rejetés du monde des vivants et de la nature elle même, qui veut nier leur retour impromptu.

L'intervention de Hypnocaust est une aura sinistre émanant de leurs restes osseux, poussiéreux tombés du ciel, s'abattant au sol dans un fracas morbide, semblable à l'éveil d'un géant désarticulé. Ces damnés des cieux, criards impitoyables pour l'oreille humaine, viennent finalement s'échouer tout près de vous. Panique et frayeur sont instaurées par ces échos stridents, c'est le visage de la mort elle même qui vous fixe, frisson intense. Cette forêt n'a plus rien de bénéfique, tout n'est que décharné, ombres morbides, puanteur prononcée. Un crissement horrifique persistant, puissant, avec son identité propre, froide et intense.

Cinerum est un apaisement, un épais brouillard souhaitant voiler cet horrifiant spectacle, jusqu'à n'en plus voir l'issu. Les plaintes, fracas, ne sont plus que bruissements funestes, labeurs du fossoyeur. Les ondulations bien moins cassantes, semblent nous porter sur une étendue d'eau. La souillure se détache peu à peu de ce lieu, maudit des damnés, une nouvelle ère veut s'imposer. Sûrement la plus forte représentation des ténèbres dans le coeur d'un homme, Kukulkan par ces quelques accords de guitare, virant à un métal quasi démonique, est le schéma parfait de la conversion aux voies obscures. La haine maîtrisée, l'empreinte de la terreur elle même. Dissolution est l'achèvement de ce périple. Le titre nous plonge dans une métastase ou sorte d'examen introspectif, à l'issue duquel il sera décidé la voie à emprunter.

Une expérience quasi extra-sensorielle, d'une violence rare, appuyée par des sonorités lourdes, pesantes, déchirantes, déchiquetées, de laquelle vous ressortez complètement apeurés, psychologiquement stigmatisés. Une incitation à méditer jusqu'à notre condition humaine, que ces précieux morceaux d'Hypnos nous livrent sous l'égide du compositeur, multi-instrumentiste Mario Diaz de Leon/Oneirogen, via la structure Denovali qu'il est inutile de présenter.
Grand.

Have Faith!
- Trebmal -



Une partie de l'album en écoute:

mercredi 19 décembre 2012

Brume / Oublier Et Mourir - A year to live (Stx024 - Silken Tofu) 2012


Une année de plus à vivre deux jours avant " l'attendu " 21 décembre 2012, de quoi redonner du baume au coeur à tout ceux qui sont rongés par le doute (et dommage pour ceux et celles qui pensaient enfin en finir).

Comme bien souvent, c'est l'artwork qui intrigue et nous accroche. Lorsque le reste est à la hauteur, c'est carton plein. Image aux contrastes forts et aux détails à peine perceptibles, entre lumière naturelle et vie plongée dans l'obscurité, deux portraits qui s'effleurent et se confondent avec délicatesse. La mise au point est faite tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre. Ou lorsqu'ils s'accordent, sur les deux. D'un côté, l'un des français les plus prolifiques depuis le milieu des années 80, Christian Renou/Brume, associé à Stephan Hanser/Oublier et Mourir (Anemone Tube,  Hartsoeker...) qui signe sa première release sous cet alter ego

L'aurore pointe le bout de son nez, et les premiers rayons de soleil nappent le paysage. Une renaissance, un renouveau, guidé par des nappes aériennes et statiques qui réchauffent lentement l'organisme. Tout est temporaire, prédestiné à ne plus "être" un jour ou l'autre. Une notion temporelle mise en exergue, cette plante que la vie semble commencer à abandonner, courbant lentement ses tiges vers le sol, et cette lueur qui se renouvelle à cycle régulier. "A new thought is born, another will rise". À défaut d'un jeu noir/blanc catégorique, optons plutôt pour une gamme grisâtre, même sépia, pour une fois de plus rimer avec cette cover si troublante. La seconde piste joue sur ce constat, car malgré son caractère cristallin et étincelant dégagé pas les claviers, l'écoute laisse derrière elle un sentiment de mélancolie qui transperce la première partie du split (première partie, j'insiste). D'une grande pudeur, les titres insinuent, ne dévoilent pas réellement. Oublier et mourir en est surement la meilleure preuve. Les variations harmoniques sont subtiles, épongées par des nappes légères et discontinues. Le meilleur passage étant sur la fin, quelques notes sucrées viennent s'émanciper à travers le brouillard. Creshendo émotionnel, final hallucinant d'un raffinement exceptionnel, qui débouche sur le titre éponyme.

Cette fois, les deux hommes sont réunis. On entre alors dans une phase bien différente. Peut-être plus sensorielle, ou bien fantomatique à vrai dire. Un peu à la manière d'un Listening Mirror entre autre. Le processus va d'ailleurs s'intensifier sur le morceau suivant, particulièrement inquiétant. Cette fois, Brume est seul, et nous aussi d'ailleurs. Une voix se fait entendre, peut être la notre, car on ne sait plus vraiment. Sortie de nul part, elle vient comme nous hanter à des moment stratégiques, dans le but de maintenir cette tension qui nous scotche littéralement. Pour le coup, entre la lumière et l'ombre, je pense que l'orientation est claire et nette. The simple way s'étale sur 5 chapitres homogènes, parcourus à divers moments de rythmiques jazzy et autres expérimentations. Egalement inspiré de l'ouvrage " A year to live " de Stephen Levine qui met en tension les principes de vie et de mort, la vision du français est donc naturellement différente des premiers morceaux.

2 visions d'un même concept, 2 tueries, 1 album à ne pas manquer.

Have Faith!

(/!\ Le lecteur s'enclenche au 2ème morceau)


lundi 3 décembre 2012

Djorvin Clain - Pattern of Thought (SSCD12 - Silent Season) 2012



Pattern of Thought s'exprime dans une langue de croyants.


Profitons une nouvelle fois des ressources du plat pays en stoppant notre escale du côté de Courtrai avec Djorvin Clain, qui officie depuis déjà quelques années dans la sphère techno/ambient. Pour faire simple. Si l'univers du belge vous attire, sachez également qu'il se fait connaître sous le pseudonyme Drona Orchestry, alter-ego sous lequel il a sorti son premier album en octobre 2011, et sur lequel nous pouvions d'ores et déjà entrevoir un attrait pour les enregistrements en extérieur. Toujours dans cette optique, Pattern of Thought s'oriente néanmoins vers des productions techno solides, bien qu'étant bâties comme une façade, à mon humble avis. Comme si ce n'était finalement pas tout à fait le fil conducteur de cet album, qui pourtant scinde les deux genres et les enchaînent à tour de rôle à égalité parfaite. Pour être honnête, c'est avec 6 mois de retard que j'ai découvert la galette, et c'est son caractère tout à fait particulier qui me pousse donc à entamer ce blabla.

Intro. Les esprits s'affairent, les masses se frottent et les matériaux se frôlent, s'entrechoquent et s'ébranlent dans une ambiance crépusculaire d'entrepôt qui se réveille et se dégèle peu à peu. Un matin comme un autre, grisailleux, au thermomètre se hissant péniblement au dessus de 0. Et là, les machines se remettent en route. Structured Signature captive malgré son apparence aride. Kick aux textures terreuses, mais au fonctionnement bel et bien mécanique, voire architectural si l'on suit l'intitulé du morceau. Structure solide, mais paradoxalement bancale, sous des faux airs de Frank Gehry et sa "maison qui danse", propulsant le morceau en dehors de toute binarité mathématique propre au modèle conventionnel techno. Cela ne se joue  pas à grand chose certes, mais nous sommes là, devant ce fait accompli, contemplant les nappes hallucinées d'arrière plan qui nous sirotent avec leurs grandes pailles de velours. Des effluves dub techno se font sentir ci et là, à travers le somptueux Ussim et peut être plus distinctement sur Enigma. Un disque froid, triste, organique, embelli par l'ajout de quelques captations d'ambiances sonores environnantes (field recordings, reel to reel tape). Organique oui, pleinement, car outre les grondements orageux d'un Deep Storm pris sur le vif, c'est avec des titres tels que The Untitled one ou Somewhere (un poil moins triste que les autres) que le belge parvient à nous retourner les tripes. Termes plutôt propices, puisque les sonorités employées semblent comme émaner d'un estomac en activité. A la fois rond et liquide, les cymbales venant remplir leur fonction de sucs gastriques, ce voyage là se veut purement interne. Une " mer à l'intérieur " via laquelle les pulsations cardiaques jouent les phares d'Alexandrie. Tout aussi pénétrant, Kajimeara revient à l'essence même de l'album, du moins à son commencement. Mécanique mal huilée, vapeurs étouffantes des moteurs, hangar rongé par la rouille, et une rythmique inflexible.
Difficile de manquer Never Forgive. Morceau plus démonstratif que ses camarades, cette ambient là est introvertie mais touchante, lisse et cotonneuse, un véritable déchirement une fois terminée. L'épopée tire finalement ses rideaux sur un Dark Modernity taillé dans le granit, l'émotion s'en est allée.

S'approchant de près ou de loin d'un Stephan Bodzin ou flirtant avec la techno expérimentale et marbrée d'un Shifted (je le sors tout le temps celui-ci je sais), pouvant rivaliser avec les pépites ambient signées 12K,  Djorvin Clain nous a cuisiné quelque chose de sérieux. Les ambiances tantôt oniriques, tantôt organiques ou pré-cycloniques sont amenées de telle manière que le CD se laisse écouter tout seul, avec un plaisir décuplé à chaque lecture. Immense!


Have Faith

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Quelques tracks sont disponibles à l'écoute sur le soundcloud de Silent Season, et un preview est à disposition sur le bandcamp du label:




samedi 24 novembre 2012

Ynoji - Quemira (xpl011 - Xtraplex Records) 2012



Promesse tenue. Xtraplex n'en fini plus d'étonner, plus encore à chaque nouvelle sortie. Ayant bifurqué vers des sentiers plus expérimentaux le temps d'un Kshhhk il y a de ça quelques mois (d'ailleurs chroniqué au sous sol, les clés de la cave sont ici), la toute jeune structure basée à Gand et menée par Laurentz Groen fait son grand retour, arguments solides en poche (et en bonus, pour les intéressé(es) qui souhaitent en savoir un peu plus, une interview du big boss est toujours disponible du côté d'IRM). C'est donc le beatmaker Ynoji qui prend le relais, déjà auteur de l'excellent NIÑA, partiellement (totalement?) différent du Quemira aujourd'hui à l'honneur.

Lucian Ditulescu de son vrai nom a semble-t-il métamorphosé sa manière de produire, ou du moins sa propre perception de l'électronique, moins d'un an à peine après son précédent et tout premier opus. Naviguant désormais dans des fleuves jazzy relativement sombres, flirtant parfois avec le hip hop, ce nouveau bijou en aura surpris plus d'un. Une fois de plus il faudra souligner le travail accompli autour du sound design. Ce gars là semble avoir compris l'essentiel : pour mettre des grandes claques dans la tronche, la vitesse du bpm ou des kicks à triples mentons ne sont pas forcément nécessaires. Lorsque Recrio en arrive enfin au vif du sujet, les membranes de nos enceintes semblent comme prises de paniques, nous avertissant d'une implosion imminente. Les sonorités sont par ailleurs toujours fouillées et arrangées avec soin, nettoyées avec une minutie digne d'un réseau souterrain d'hyménoptères. Avec si peu d'expérience, difficile d'imaginer ce que cela donnera d'ici quelques années. Une chose est sûre néanmoins, Ynoji n'en a pas fini avec nous.

Encore une fois doublé d'un visuel estampillé Han Leese, la production étonne d'emblée par l'assortiment de beats qu'elle nous offre. Un certain exotisme vient envelopper ce Quemira d'un voîle mystique et franchement jouissif, venant se glisser à la suite du gargantuesque drumkit d'un Roma susceptible de filer la pêche à n'importe quelle gueule de bois lors d'un dimanche après-midi grisâtre. Ethnique, électrique, éclectique, liste non-exhaustive, autant d'attributs réunis en 30 minutes de rouste implacable, où les chemins de traverses sont sillonnés avec respect des partis puisqu'au final cette macédoine là glisse comme un pet sur le verglas. Souvent, le glitch est mis de côté, reste toutefois présent mais l'accent est placé sur le soundscaping qui tire la galette vers des perceptions plus cinématographiques au gré de la progression des morceaux. Polegar et ses doux airs lointains en sont le parfait exemple. Une franche réussite de ce côté là, et des autres aussi d'ailleurs. Alors que l'on pensait à ce stade avoir cerné l'étendue de l'univers tout fraîchement dessiné, l'individu nous prend une nouvelle fois à contre-pied avec Melhorar: son introduction aux allures d'Isam, son drum dévastateur solidement soutenu par une mélodie entêtante amenant finalement le morceau à lorgner vers une certaine forme d'Abstrackt Keal Agram carrément épique.

Ynoji réussi donc un coup de maître en faisant évoluer son univers avec brio. Xtraplex consolide son image de label électro de l'année. Nous nous arrêterons sur lui d'ici quelques mois à l'occasion d'un ambitieux projet à venir (ambitieux au vu de la renommée du blog). En attendant cela, festoyez comme il se doit et dégustez ce chef d'oeuvre en écoute complète, que vous pouvez soutenir à hauteur de la somme que vous souhaitez.

Have Faith!



dimanche 18 novembre 2012

Talvihorros/Ekca Liena - Swarms with Swarms (TQA026 - TQA) 2012




Lorsque deux monuments de l'ambient/drone choisissent de s'associer le temps d'un split, difficile de passer à côté de ça. À ma gauche, le poids lourd Ben Chatwin, Talvihorros pour les accoutumés, qui publiera dans quelques jours son nouvel opus "And it was so" sur la structure Denovali. À ma droite, pour la troisième fois dans nos pages, nous retrouvons le très productif Ekca Liena qui s'affaire aux trois dernières pistes. Ne tergiversons pas des années là dessus, ce Swarms with Swarms est une gigantesque réussite.

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Sombres recoins d'un site industriel délabré, raffinerie désaffectée, plate forme pétrolière. Un crépuscule pesant s'installe, c'est en apparence un univers dépourvu d'âmes que laisse suggérer l'ouverture, le bruissement des métaux, les plaintes de l'acier, les projections organiques diverses s'inscrivent progressivement dans l'atmosphère jusqu'à en ressentir les symphonies mélodieuses subtilement jouées par les esprits à l'ouvrage. Affairés ici et là, ces spectres rugissant recréent une nébuleuse semblable à un idéal qui semblait à jamais perdu. Ces formes volatiles semblent vous conduire jusqu'au sommet de ce lieu, cet imposant édifice, symbole de la grandeur de l'homme, petit à petit repeuplé de forme fantomatiques aux allures animales. Celles-ci vous approchent, félidés constitués de matériaux carboniques rayonnant aux couleurs de la nébuleuse qui s'étend jusqu'au loin comme un drap aux couleurs du spectre lumineux, se reflétant de mille feux sur un vaste océan aussi brillant, que bleu, désormais incandescent. Des chants emplis de lamentations, d'émissions sonores animalières totalement irrégulières, c'est une fable féerique, un avertissement de la nature qui ne saurait être perçu par des oreilles communes dont l'envie, l'avidité n'auraient laissé aucune place à l'empathie ou à la bienveillance.

L'ambiance, ce rêve, infini, nous transporte, à en perdre toute temporalité. Un bruit sourd lointain, une pluie battante? L'incandescence un moment retombée, au sommet de cet amas métallique un léger brouillard persiste, des remous, des variations, une transition lente, paisible perdure, ponctuée par les sons de cloches émis par les bouées de navigation. Un banc, une nuée de créatures volatiles et amphibies s'agitent aux loin. Leurs chants portent jusqu'à vos oreilles, les vagues s'agitent, le vent jusqu'alors d'un calme fascinant décuple sa force, redouble d'intensité, la mer s'agite et l'écume des vagues semble attaquer la plate forme dans son intégralité, un train sorti des abysses vient perforer les masses rocheuses émergeant des profondeurs. La structure toute entière vacille, comment s'en sortir, sinon en s'accrochant à quelques rambardes dont la solidité a été altérée par le fracas on ne peut plus violent de ce qui apparaît comme un déluge assourdissant. Hasard ou chance prononcée, la vaste étendue d'eau semble vouloir retrouver peu à peu la normale. Laissons les éléments en paix, car en paix, les éléments nous laisseront.

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Plaies ouvertes et peau en lambeau, les séquelles sont lourdes, le bonheur est quant à lui paradoxalement immense. De l'épique introduction éponyme jusqu'aux dernières émanations de cordes de Delatinised, les morceaux nous saisissent à la gorge et confirment une fois de plus la virtuosité des deux accolytes.

Have Faith!


-Trebmal-



jeudi 8 novembre 2012

D.Rhöne - Chapt​.​I (Self Release) 2012



Anesthésie générale ou profonde méditation, balance équitable au terme des 66 minutes enivrantes au possible de ce Chapt.1, premier album du projet D.Rhöne qui n'est autre que l'alter ego de Mathias Van Eecloo, dont le main project Monolyth and Cobalt vous parlera peut-être davantage. Beaucoup plus conceptuel, mais également empli d'un minimalisme certain, les longues plages gratifiées du dénominateur commun " Arcane " laissent place à un presque-silence balayant les 5 phases avec une harmonie lénifiante.
Les restrictions instrumentales (volontaires bien entendu) permettent de bâtir un espace sonore gigantesque, accru par quelques rares effets étendus sur la longueur, fondus avec extrême délicatesse.

Ecoute au casque préconisée. Il va sans dire que les lieux dépeints ne sont pas aisément abordables, la seule condition étant d'allonger le bras, puis de laisser le flux gorgeant l'intraveineuse faire son travail et vous endormir doucement. Le schéma corporel se modifie peu à peu, les perceptions se floutent, l'apesanteur se fait sentir. Et vous êtes là, sourire aux lèvres, appréciant chaque milliseconde de ce moment si unique. Chapt.1, c'est comme revivre cet instant mais s'apercevoir qu'il durera une éternité. Arcane 18.21 fait son entrée sur un assemblage cotonneux d'instrument à clapet libres tout aussi fragile que sa puissance mélancolique pourtant si feutrée. Les doux effleurements de ce qui s'apparente à un hautbois baryton sont d'un charme sans égal, les apparitions ne sont que futilement perceptibles, toujours à fleurs de peau. Le souffle est léger, parfois plus sec, sorte de spasme vrombissant et lisse contrecarrant les textures finement perçantes du clavier à vent. Un grand moment. L'espace est à moitié vide, ou du moins parsemé de brouillard épongeant toutes fréquences sonores se risquant à percer son voile. Quelques exhalations chétives parviennent pourtant à se frayer un timide chemin vers une fascination surnaturelle. Cet album renvoie un sentiment très singulier, celui de ne rien entendre, mais à la fois de percevoir un nombre incalculable de choses en fouillant un tant soit peu.

Pour cette fois, nul besoin de s'étendre davantage, l'album en dit déjà assez malgré son air taciturne. Expérience onirique et unique en son genre, très fortement conseillée pour qui adule les poupées russes. Le réveil sera dur mais comblé de révélations, frustrant mais laissant quelques séquelles inoubliables. Version CD limitée à 50 exemplaires.

Have Faith!

lundi 29 octobre 2012

Hexenverfolgung - Feldgrau (Self Released?) 2012


De quoi célébrer Halloween à votre façon, vous qui êtes réfractaires du folklore et des denrées mangeuses de molaires. La chasse aux sorcières est en marche, échafaudée dans les tréfonds de catacombes poisseuses à l'acoustique macabre. Le groupuscule présenté aujourd'hui inclut un certain Ekca Liena (Daniel W J Mackenzie) que l'on retrouvait en août dernier aux côtés de Talvihorros pour un split absolument phénoménal (2 pistes à l'appui). Feldgrau tisse un lien étroit avec le diptyque Hexen lui aussi révélé en août de cette année. Combattre le feu par le feu, procédé on ne peut plus sinistre lorsque l'on prend conscience de la cible à atteindre. Rituels occultes et autres expériences transcendantales semblent être le fil conducteur de l'oeuvre du groupe. Parfois intriguants, souvent angoissants, les trois morceaux ne manqueront pas de vous rendre paranoïaque aux moindres mouvements ou bruits suspects autour de vous, sous réserve d'une écoute dans des conditions adéquates.

C'est tout d'abord quelques particules boisées encore ardentes qui attirent votre attention, s'émancipant au compte goutte d'une grotte se situant à quelques dizaines de mètres. A l'extérieur, le soleil n'est plus, contrastant ainsi avec les légères oscillations lumineuses émanant de l'antre. La curiosité domine irrémédiablement  l'angoisse, vous avancez d'un pas hésitant et sentez peu à peu la chaleur du brasier qui se rapproche. Il est trop tard, votre progression est déjà bien avancée, et vous souhaitez par dessus tout comprendre ce qui se passe, là bas, tout au fond. La lumière lunaire était finalement bien meilleure que dans ce guêpier. Vous posez les mains sur les parois crasseuses et polies par l'humidité dans le but d'orienter votre chemin. N'y voyant pas à plus de quelques mètres devant vous, le regard fixe cette lueur jaune-orangée, alors que derrière vous plus rien n'est visible. Le parcours est ralenti par le sol boueux qui vous engloutit jusqu'aux dessous des genoux, et par les innombrables toiles arachnéennes qui se greffent à votre visage. Le corps étant totalement engourdi par le froid, vous ne vous étiez même pas rendus compte qu'il était parcouru de bestioles ayant trouvé refuge dans vos vêtements épais. Soudain, des échos se font entendre, le but se rapproche. Le feu toujours en activité relance peu à peu vos sens, la lumière s'amplifie et vous pouvez enfin bouger les membres à votre guise. Vous y êtes.

Une poignée d'hommes se trouvaient là, rangés en cercle, tous vêtus de la même manière. Vous tentez d'approcher en restant discret, dissimulé derrière une petite paroi rocheuse haute d'un mètre, pas plus.
Le spectacle est ahurissant, et assourdissant. Au fur et à mesure que le rituel se poursuit, un violent courant d'air traverse le lieu, faisant danser les flammes et virevolter les cendres que vous tentez d'esquiver. Autour de vous, les insectes et autres petits mammifères fuient, prenant la tranchée par laquelle vous êtes arrivé. Puis le calme réapparaît. Le feu s'éteint subitement. A l'unisson, le groupe lève les yeux au ciel et semble entamer une invocation macabre sous vos yeux ébahis. Du latin peut-être, mais vous n'y prêtez pas réellement attention. Les corps tremblent sous l'effet de la transe, mais restent solidement scellés au sol qui se déchire doucement de part en part. Les esprits affluent par dizaines, dans un brouhaha de crissements saturés et de hurlements étouffés. Leur nombre décroît lentement, mais les hurlements persistent.  Le dernier résistant arrache un dernier râle qui l'emporte alors à jamais, toujours mêlé aux intonations du groupe qui, un moment exténué par l'expérience, reprend lentement ses esprits, avant de regagner son fief par une minuscule cavité visiblement creusée de ses mains. Ils vous avaient senti arriver, mais n'y avaient accordé aucune importance. Avant de fuir, l'un d'entre eux se retourne vers vous, totalement inexpressif, le regard noir, puis doucement remet sa grande capuche noire, avant de disparaître.

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dimanche 21 octobre 2012

MyOwnCreation - Husch (NrM021 - Nenormalizm) 2012



Un immense territoire inoccupé. Du moins, c'est ce que nous pensions.

Husch est de ces paysages au semblant désertiques dont les éléments sont bel et bien hostiles à toute nouvelle visite inopinée. Vous n'êtes absolument pas le bienvenue, et vous ne tarderez pas à le comprendre. Ilya Dubinets a déjà fait parler de lui via sa collaboration avec Sobrio pour l'album Asafiobia en août dernier. Son alter ego MyOwnCreation surenchérit en fin de mois de septembre, cette fois ci en solo, toujours sur la même structure, Nenormalizm. Une véritable déferlante technique contre laquelle il nous est impossible de lutter. Les forces telluriques se déchaînent avec une violence inouïe, chaque petite parcelle déployant une rage décuplée à chacun de nos pas.

Tout n'est qu'acharnement, le sol étant parsemé de crevasses et de roches tranchantes comme des rasoirs, l'air étant totalement saturé de micro-organismes qui carbonisent les poumons à chaque tentative d'inspiration. Ce n'est même plus de la survie, l'organisme dépérit à petit feu. La roche croule sous vos pieds et parfois même se liquéfie en un claquement de doigts pour mieux vous malmener, les bourrasques vous embrasent tout autant qu'elles vous paralysent de froid. Des reliefs se dressent à des centaines de mètres de hauteurs et s'entrechoquent, juste sous vos yeux, donnant naissance à de colossales secousses. Les conifères grandissent à une vitesse folle, et s'octroient le droit de pousser à travers vos chairs. Quoi que vous fassiez, le résultat sera le même. Bondissez par dessus un brasier, vous tomberez au beau milieu d'un massif épineux; escaladez un cèdre, le vent vous fera chuter en moins de deux. Tentez ensuite de fuir, la terre disparaîtra sous vos semelles. Pourtant tout avait bien débuté. Vous vouliez être seul, laisser votre cerveau de côté et profiter du calme ambiant. Il semblerait alors que vous ayez loupé une marche. Akcey Park, c'est un peu le croche-patte qui déclenche cette descente aux enfers, au sens propre comme au figuré. Concentré noisy et destructuré aux limites du possible, le morceau laisse entrevoir un contenu autrement plus agressif que nous le pensions, même si notre tortionnaire invisible n'en est qu'au stade du craquement de vertèbres à la Bruce Lee. Le calvaire vous semble parfois n'être qu'un mauvais rêve, tant votre état de conscience est diminué par  la souffrance dû à vos multiples plaies. N'étant plus qu'une vulgaire marionnette désarticulée, vous n'avez d'autre choix que de laisser la tempête se calmer, dans l'espoir naïf de bénéficier d'un brin de pitié.

Vous avez désormais totalement disparu, il ne reste plus aucune trace de votre passage, la boue a terminé la travail en vous engloutissant totalement. Calme totale. Comme si en réalité rien ne s'était passé, et la nature sifflote joyeusement en levant les yeux au ciel sur fond de drone. Personne n'était présent pour faire état du phénomène, les victimes seront encore nombreuses, toutes disparaîtront dans l'anonymat le plus complet.
Album glacial mais au penchant totalement abrasif, l'oxygène semble pur mais n'est en somme qu'un agglomérat de bactéries. Les montagnes semblent refroidit à jamais mais n'attendent que vous pour déballer leurs flammes, alors que les chênes millénaires vous observent avec mépris du coin de l'oeil.

Magnifique, terrifiant.

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En téléchargement gratuit juste en dessous.
Have Faith!

vendredi 5 octobre 2012

afarOne - Lucen (KR007 - Karlrecords) 2012


Une pincée de rythmique au programme d'aujourd'hui, après une consistante aparté ambient sur les 3 derniers articles. La transition sera tout de même subtile puisque Stefano Ruggeri à l'origine du projet afarOne déploit un panel de beat bien aiguisés mais d'une fragilité certaine, combinés avec élégance au néo-classique omniprésent d'un homme aficionado du métissage entre instruments classiques et productions assistées par machine. Une sauce qui prend rapidement puisque dès les premiers instants, le soundscaping nous harponne sans retenue jusqu'à l'apparition de la première ébauche rythmique me faisant étrangement penser au travail de Carbon Based Lifeforms, en plus déconstruit. L'album, qui a déja quelques mois derrière lui, a vu le jour sur la superbe structure KarlRecords, à l'origine du gigantesque The Sum Of Disappearing Sounds (Cezary Gapik) ou de l'excellent Ligment signé Ulna, dont vous trouverez les aboutissants littéraires ici et ici. N'ayant pas perdu le fil conducteur du label du point de vu qualité, vous comprendrez d'emblée que le produit vaut son pesant de cacahuètes.

Modeste tentative synthétique de décorticage, commençons par le commencement. Le travail d'afarOne présente des similarités avec r.roo, recrue des structures Tympanik Audio ou encore Raumklang Music. Une preuve en plus du caractère pertinent du rendu. Pour en finir avec les comparaisons, on retrouvera parfois même quelques dénominateurs communs avec Access To Arasaka, dans la manière de traiter le glitch et les ambiances glaciales (Gordon), en moins appuyé toutefois. Des productions sensibles, organiques, toujours teintées d'une mélancolie transpirante, flirtant parfois même avec des paysages plus obscurs. Nous parlions plus haut du soundscaping d'introduction, qui pour en remettre une couche parvient à adoucir nos humeurs d'un claquement de doigts. Le genre d'univers susceptible d'effacer toute présence environnante, laissant l'opportunité à l'imagination de jouer comme bon lui semble. Le piano, chef de fil de ce roadtrip aux environnements tout en désaturation colorimétrique, transperce l'épiderme avec cette triste douceur on ne peut plus imprégnante, nous paralysant sans effort de la tête aux pieds. Souvent, les notes sont amenées distinctement, placées avec recul et réflexion, leur laissant le soin de germer pour finalement s'étendre loin, infiniment loin (Stavrogin). Les blancs sont alors compensées par les beats glitchés un brin organiques contrebalancant l'épaisseur des nappes discrètes ( à quelques exceptions près) mais délicieusement profondes.

6 premiers titres brièvement analysés. Arrive donc Ming, l'atmosphère devient plus lourde, mais aussi plus troublante. Les trois quarts de la piste nous renvoient l'image d'un panorama intensément brumeux, les nappes sont sourdes, rien ou presque ne nous permet d'imaginer ce qui nous attend, mis à part quelques balbutiements d'instruments classiques, rapidement submergés par ce brouillard épais, seul personnage de l'histoire. Plissant les yeux, nous arrivons au terme de quelques minutes de désorientation totale à entrevoir quelques éléments de repère. C'est au final sur un tourbillon limpide voire même aveuglant que l'excursion se clôt, avant d'enchaîner sur le magnifique mais non moins capricieux Trial and Error vacillant entre interférences statiques, noise corrosif soutenu à grand coup de kick saturé, etc etc...

Très bel opus, qui promet un bel continuité, sans jamais répéter les même recettes. Un travail rythmique finement taillé au service de plages ambient et de mélodies classiques saisissantes en font un exercice de style à déguster encore et encore.
Acheter en digital ou physique ici, en écoute intégrale juste en dessous.

Have Faith!

dimanche 30 septembre 2012

Listening Mirror - On the passing of Chavela (DR-02 - Dronarivm) 2012




Poursuivons notre périple ambient avec la sortie du tout dernier Listening Mirror, projet du britannique Jeff Stonehouse, écrit et composé le lendemain même du décès de la chanteuse mexico-costaricienne Chavela Vargas à qui est dédicacé l'album en question. "On the passing of Chavela", c'est 61 minutes de balade au gré des champs étendus à perte de vue, venant faire écho à la longue vie menée par cette chanteuse à la voix si particulière qui nous a quitté en août dernier à l'âge de 93 ans. Paru au sein de la toute jeune structure Dronarivm basée quant à elle à Moscou et menée par Dmitry Taldykin, cet album-hommage vient compléter une discographie tout à fait généreuse à la musicalité et aux ambiances relativement personnelles et spontanées. Si le projet s'est quelque fois immiscé dans vos oreilles, vous saurez donc que le personnage est un féru de field recordings. Gardons en tête l'impressionnant What's Wrong with Miracles datant d'avril dernier, qui au moment d'écrire ces quelques lignes ne manque pas de filer des frissons malgré un grand soleil extérieur.

On the passing of Chavela joue la carte de la constance et développe une ambiance plus linéaire que l'opus cité précédemment même si l'on reconnait bien la touche caractéristique de Listening Mirror, notamment grâce aux injections de guitare soigneusement dosées. Nous imaginons aisément via ces légers pincements le souvenir d'une âme dématérialisée de son corps. Le souvenir est flouté par les années, mais le symbole demeure. Cette petite poignée de notes vient se diffuser en parfait équilibre avec les nappes brumeuses parsemées d'ombres vagabondes suggérées quant à elle par quelques voix délicieusement ouatées.

 Notre escapade est longue, nocturne, rythmée par le chant continu des grillons et par un vent lunatique qui glace l'échine à chacune de ses apparitions, tandis qu'autour de nous les ombres se font plus omniprésentes. Votre corps attise tout de suite la curiosité, et les quelques êtres vivants (ou non) peuplant les lieux ne tardent pas à converger vers vous, ils vous observent, vous analysent, mais restent toujours à distance, installant alors un climat du pudeur et de pesanteur limitée. Le linceul enveloppant l'épopée est teinté d'un camaïeux légèrement grisâtre, car le britannique s'adonne plutôt à un exercice en clair obscur peu contrasté qui s'avère absolument poignant. Plutôt propice aux balades nocturnes, l'expérience pour le moins onirique préférera donc le post-crépusculaire au réveil matinal.

À la fois doux et parfaitement imprégnant, sombre mais étincelant, statique et pourtant élégant, l'album restera un hommage très personnel, émouvant et sincère, dont le ton profondément aérien ne manquera pas de se hisser vers la regrettée concernée qui nous regarde de tout en haut.
En écoute sur le bandcamp du label, via lequel vous pourrez vous régaler des autres sorties tout aussi saisissantes.

Have Faith!


mardi 25 septembre 2012

The Picturesque Episodes - Young Galaxy (PF032 - Pocket Fields) 2012



Nous avions déjà glissé quelque mots auparavant à propos de la sérieuse structure basée à Saint Pétersbourg Pocket Fields, à l'occasion de la sortie de l'album Light Procession proposé par Daniel W J Mackenzie dit Ekca Liena, qui d'ailleurs aujourd'hui secoue toujours autant. Assignées d'une constance notable, les sorties émargées par le label continuent d'esquisser des paysages sonores toujours plus poignants, à l'image de ce Young Galaxy signé The Picturesque Episodes, ou Darius Gerulis dans le civil. Il semblerait que le projet soit Lithuanien, et qu'il partage ici son quinzième opus. Découpé en 9 chapitres, cette " jeune galaxie " intrigue aussi bien qu'elle émeut. De courte durée, le voyage n'en demeure pas moins prenant, car pour un album étiqueté ambient, il est important de préciser que les morceaux ne dépassent pas les 5 minutes 30. Habitués aux longues plages immersives pointant aisément les 7 ou 8 minutes, certains peineront donc à se plonger totalement dans la narration. Pour les autres, l'objet se révélera être un véritable bijou. C'est ici l'album le plus court et peut être le plus direct auquel nous confronte TPE.

Introduisant son récit sur un délicat coussin post-rock comme titre éponyme, nous comprenons d'emblée que le type n'ira pas par quatre chemins. Encore une fois, au vu du style arboré, c'est plus que notable... Il y aura donc les sceptiques d'un côté, ceux qui opterons pour la théorie de la flemmardise, ou prônant un manque de créativité certains. Les autres (optimistes?) dont nous faisons partie pencherons alors vers le constat d'un artiste devenu plus synthétique, ayant une idée mieux tracée de ce à quoi il désire faire tendre son propos. Bref.
3 notes de piano. Plutôt basses. Rien de bien compliqué donc. C'est pourtant ce qu'il suffit pour captiver toute notre attention et faire briller nos petits yeux devant l'écran, le temps d'un court Escape Your Rhodes Heart à l'émoi montant en creshendo. Une sorte de puissance feutrée, simplement suggérée ou schématisée pour ne garder que l'essence même du concept, la substance la plus concentrée possible. Les morceaux se succèdent, toujours avec une fluidité tranquillisante qui incite au recueillement. À la fois souriant mais marqué de tristesse, le personnage poursuit sa longue épopée spatiale dont on nous présente ici les vestiges du carnet de bord. Mais alors qu'un puissant halo de lumière vous aveugle et vous pousse au repli, Old Static fait son entrée en jeu. Indescriptible, là c'est juste à chialer. D'autant plus lorsque l'on se rend compte que c'est vraiment court. Comme si progressivement, on vous ôtait le cadeau le plus précieux qu'il vous ai été donné d'avoir. Nothing Beyond clôt le voyage sur un ambient stellaire, statique et majestueux, qui parfait cette bâtisse au demeurant étroite mais qui pourtant offre de nombreux étages...

Un album presque preview qui suggère plus qu'il ne dévoile. Protecteur du concept de la track-album étendue à plusieurs dizaines de minutes, il vous semblera peut-être difficile de vous imprégner réellement du produit. Ce type là sait ce qu'il fait, mais n'est pas très bavard. Accrochez-vous à ses marmonnements, car ce qu'il a à vous dire pourrait vous surprendre. Je ne dis pas que les moins bavards sont les plus pertinents et que les prolixes sont ennuyeux à mourrir, mais ici nous resterons persuadés, que tout simplement, TPE en a dévoilé autant qu'il suffisait.
Téléchargeable gratuitement via le bandcamp, ou sur le site de Pocket Fields.


Have Faith!

samedi 15 septembre 2012

Broken Harbour - Broken Harbour (Not on label) 2009



Trouvé une fois de plus à tout hasard, voici en guise de reprise d'activité un petit chef d'oeuvre ambient qui je l'espère compensera cette longue attente aucunement intentionnelle. La faute au haut débit. Opérons un grand détour outre-atlantique avec le projet Black Harbour du Canadien Blake Gibson auteur l'an passé du Gramophone Transmissions renouant quant à lui avec un certain sens de la mélodie, à contrario de son album liminaire éponyme qui nous intéresse aujourd'hui, où tension minimaliste et endurance hypnotisante croisent le fer. Un résultat parfaitement fascinant à condition de s'abandonner pleinement au processus. Car en réalité, la muraille drone au demeurant infranchissable entourant l'édifice s'avère être victime du poids des années passées, laissant à notre disposition de quoi traverser via quelques interstices de roches érodées, formant ainsi un chemin direct vers des contrées infréquentées et totalement désertiques.

Traduction de quelques rêveries autour de l'exploration cosmique, le résultat est d'autant plus contemplatif qu'il expose une tranquillité extrême bien rarement perturbée. Émerveillés par ce nouveau paysage tout en poussière et rocailles, c'est un réel sentiment d'impuissance qui ne tarde pas à prendre le dessus, car au milieu de tout cela, nous ne sommes rien, juste quelques particules de plus. Les puissants tremblements de Beauty in Desolation pt.1, que Talvihorros et son plus coloré From Within A Hollow Body (part 1) ne bouderaient pas font état du panorama dont on ne perçoit pas les limites, n'ayant aucun point de repères. Très peu de variations de reliefs et de climat, le tout étant schématisé en 18 minutes qui sont à couper le souffle. Mais finalement, l'endroit est-il vraiment inhabité? Car oui, l'enthousiasme laisse rapidement place à une angoisse pesante, car quelque chose rode autour de nous, nous ne voyons rien, mais nous le sentons.
A quelques kilomètres de là, au milieu de rien, quelques formes ectoplasmiques errantes et tournoyant parfois même autour de nos chairs nous poussent à penser que finalement nous ne sommes pas les premiers êtres vivants à avoir foulé ce sol. De votre côté, vous etes totalement figés, plus statique encore qu'un monolithe.

C'est finalement avec Requiem For Dead Spaceman que la Canadien ébauche un semblant de sentiment, dressant un voile de tristesse sur ce morceau au nom évocateur. Un autre homme est passé par là. Ce paysage fût le dernier imprimé dans sa mémoire, son corps repose désormais ici, à tout jamais. Adjoint de spoken word masculin en toile de fond, le titre prend alors une dimension plus cérémoniale, comme une dernière prière pour le courageux astronaute défunt. Déchirant. La suite est de ce fait appréhendée de tout autre manière, revisitant ce lieu à la beauté désolée pour en extraire une tonalité plus effrayante. Les nappes s'épaississent, l'atmosphère s'alourdit. L'ultime piste est une petite merveille brumeuse de progression drone.

L'immersion repose sur un jeu d'infra basses absolument impressionnant. L'expérience est à vivre au casque, volume à fond tant que faire se peut. L'album est long, mais inutile de vous dire que vous ne perdrez pas votre temps. Disponible en CDr pour 10 euros environ (shipping inclus) sur le bandcamp ci-dessous, faites vous plaisir si les longues plages de drones statiques ne vous effraient pas. 

Have Faith!

mercredi 22 août 2012

Trollhead - On the loose (BR044 - BedroomReseach) 2012





J+1. Me voilà embarqué depuis 24 heures dans cette navette de 3ème génération et déjà le champ gravitationnel de Trollhead agite mes senseurs, happant le vaisseau dans une frénésie cahotante. A mesure que j'enregistre ce premier rapport à destination du consortium Bedroom Research, l'atmosphère se fait de plus en plus opaque, à l'image de cette planète fuligineuse que j'ai vu grandir et se rapprocher dans mon hublot depuis des heures. Bientôt, ce qui ressemble à l'équivalent de nos pluies acides commence à s'abattre sur la coque, rongeant la peinture à vue d'oeil. Je télécharge les dernières infos sur la topologie du vallon où je suis censé poser l'appareil. Atteindrai-je en un seul morceau la surface du monde mystérieux que ce groupement de recherche cybernétique en plein essor m'a chargé d'explorer?





J+2. Au lendemain de l'atterrissage, la chaîne d'assemblage du véhicule tout-terrain s'affaire, sous les consignes vocales de l'autopilote. Drôle de vision que cette machinerie enchâssant des pièces de métal et serrant des boulons dans un train-train qui pourrait presque paraître rassurant si ce n'était cette plongée dans un inconnu sinistre comme la suie qui m'attend à l'extérieur, tout sauf accueillant malgré son atmosphère d'une composition semblable à la nôtre. Combien de chances y avait-il pour que cet air soit respirable ?... Mais trêve d'hésitation, à mon tour de m'adonner à la routine des préparatifs, je pars vraisemblablement pour plusieurs jours en direction des artefacts technologiques repérées par nos sondes Atomhead et Ronny Ragtroll. Entre excitation et appréhension, la sempiternelle question assaille de nouveau mon esprit gagné par la fatigue du voyage supraluminique : qu'est-il donc arrivé à ces engins depuis leurs dernières transmissions ?




J+3. Impossible d'y voir quoi que ce soit à plus de dix mètres entre deux décharges électrostatiques fendant l'atmosphère comme des flèches depuis le ciel constamment lourd, et pourtant c'est un vrai plaisir de conduire le Humvee bondissant de dunes en cratères, le moteur vrombissant pour escalader les reliefs rocailleux. Au bout d'un canyon rocheux, je dois m'arrêter brutalement pour laisser passer un troupeau d'étranges quadrupèdes aux vagues allures de bovidés, cavalant à l'aveugle en se heurtant les uns les autres et pour cause, aucun signe d'un quelconque organe de vision sous leurs cornes difformes et proéminentes. Une pensée m'étreint au regard de leur masse musculaire comparable à celle d'un éléphant : que peuvent bien avaler de telles créatures dans ce désert de pierre et de poussière ? La réponse m'est bientôt dévoilée en poursuivant mon périple : à défaut de végétation digne de ce nom, les rares espèces peuplant ces contrées inhospitalières ont pour la plupart adopté un régime cannibale...




J+4. Signalées par mes radars depuis la veille, j'observe enfin de visu les gigantesques infrastructures en contrebas du promontoire rocheux où j'ai caché le Humvee accidenté sous une toile de jute, et elles n'ont rien d'abandonnées. Les professeurs Deschuyteneer et Robbe ne s'étaient pas trompés sur la teneur des images rapportées par nos modules d'exploration disparus, et impossible pour moi désormais de repartir pour leur transmettre cet enregistrement crucial. C'est tout juste si les jumelles à rayons X me permettent de percer le voile de ténèbres qui obscurcit ce monde de jour comme de nuit, mais les mouvements de troupes qui s'offrent à mon regard sont sans équivoque. Des dizaines, peut-être même des centaines de milliers de créatures humanoïdes aux corps décharnés et aux orbites vides se prêtant aux exercices martiaux d'un entraînement guerrier dans une synergie bien trop parfaite pour être honnête, leurs armes aux lignes organiques crachant des lasers à intervalles réguliers sur autant de cibles mouvantes. En m'approchant à flanc de coteau, je constate avec horreur que ce camp militaire aux architectures métalliques est loin d'être unique en son genre, premier maillon d'une chaîne monumentale de bâtiments bien alignés en rangs d'oignons. Pire encore, la vision d'un écran holographique surplombant ce qui semble être l'un de leurs halls d'état-major m'informe sans aucun doute possible sur la nature de leur cible : une petite planète bleue riche en ressources que je m'inquiète désormais de ne plus jamais revoir.




J+5. Je ne suis toujours pas en mesure de réaliser la chance qui m'a permis d'arriver entier jusqu'ici, passager clandestin d'un des milliers de vaisseaux-mères aliens en route pour une terre promise qui s'avère par un cruel coup du destin être celle d'où je viens. Caché derrière les grilles d'une conduite d'aération, j'observe ces bipèdes effilés aux oreilles de renard, hauts d'environ 2m50, connecter leur système nerveux aux flux électriques de leurs exosquelettes motorisés, signe que le voyage touche à sa fin. D'un système solaire à un autre, quelques heures auront suffi à sceller le destin d'une civilisation millénaire. A moins que je ne parvienne à saper leur effet de surprise, puisque la destruction de masse ne semble pas faire partie des plans de cette titanesque fourmilière en migration ? Mais même alors, que pourrons-nous face à une technologie dont on ne trouve l'équivalent sur Terre que dans les romans ou au cinéma ?




J+6. Je les suis à distance à la lumière de la Lune depuis déjà une heure. Par chance, un atterrissage en terrain forestier ne leur a pas facilité la tâche, mais l'éloignement de toute civilisation ne me permet pas davantage de prévenir qui que ce soit. Les envahisseurs et leurs machines de guerre font leur possible pour avancer en silence, mais les inégalités du terrain rend leur déplacement malaisé et pour le moins hésitant. Je ne sais pas si vous recevez ces rapports émis directement par ondes distantes à l'aide de ma radio de terrain, mais nous n'avons plus beaucoup de temps pour les arrêter. Il faudrait... attendez... un groupe de créatures armées vient de bifurquer dans ma direction... des ordres crépitent dans leurs radios... je suis repéré ! Fin de transmission, dites à ma femme et à mon fils que je... krztzkz.




J+7. Ils ont pris le contrôle de mon esprit, je suis l'un des leurs désormais... et pourtant... si mes actions sont sous l'emprise d'une volonté unique contre laquelle il m'est impossible de lutter, je suis toujours libre de mes pensées, tout en partageant leurs pulsions aveugles de pillage et d'épuration. J'ai également découvert que je pouvais communiquer par vibrations mentales avec tout réseau à ma portée, d'où cette ultime tentative de contact, certainement vouée à l'échec. Le jour est en train de se lever et... quelle est cette étrange sensation ? Alors qu'aux premières lueurs de l'aube se dévoile finalement la végétation à terrain découvert, c'est comme si le foisonnement de couleurs et de vie de la campagne environnante m'apparaissait pour la première fois. Comme si je ressentais ce que ressentent au même instant ces créatures de désolation en découvrant ce qui s'apparente à leurs yeux à un paradis tel qu'ils n'en ont jamais connu. Dans cette clarté pastel, je sens ces instincts de mort partagés avec mes nouveaux congénères s'estomper au profit d'une étrange sérénité et même... d'une conscience insoupçonnée de la valeur de l'existence ? Serait-il donc possible de s'entendre et de cohabiter ?...





Rabbit (blog Des cendres à la cave) & HFIS




vendredi 17 août 2012

Colony / Akito Misaki - Cities Apart (IIIHIII 03/2012)




Les premiers instants sont cruciaux. La lecture est lancée, et il suffit parfois de quelques poignées de secondes pour comprendre que l'oeuvre tiendra toutes ses promesses. Tendus comme des nerfs de boeufs, nous laissons s'écouler les pistes en espérant que le plaisir se prolonge sans interruption. Une certaine angoisse qui toutefois s'estompe au rythme de l'engrenage des morceaux. Tel est le cas de ce Cities Apart, bouleversant dès son entrée en matière. Né de l'association de Colony et Akito Misaki, l'album en question réunit deux musiciens qui en réalité ne se sont jamais rencontrés, peut-être même jamais vus ne serait-ce qu'en photo. Quelques conversations sur les réseaux sociaux par mails interposés ont suffit pour mettre à l'unisson les intéressés. Dumoins c'est ce que semble démontrer le fruit de cette collaboration étonnante. Deux inconnus qui pourtant donnent l'impression de se connaître sur le bout des doigts. Car même si chaque piste (mise à part Still Sending Letters) est produite à tour de rôle par chacune des deux têtes, l'enchaînement laisse à penser que le duo a fusionné en une seule et même entité.

Chef d'orchestre de cette pièce intimiste nageant entre néo classique, ambient et electronica cotonneuse, la piano est omniprésent sur les morceaux du Japonais, mais totalement absent en ce qui concerne Colony.
C'est en tout cas un penchant assurément nostalgique qui vient couvrir l'album d'un linceul de soie grisâtre, et qui équilibre la balance de la double vision de ce Cities Apart, qui peut être compris de bien des manières. Sorte de portrait urbain en 9 phases, le disque semble exprimer un souhait de renouveau, ou une certaine angoisse des années à venir. Libre à chacun de s'inventer sa propre histoire, car les associés ne semblent pas mettre en avant un message précis, ou détenir une vérité irréfutable. Tel que Colony le dit lui même, " As usual, I'm not going to tell you what this music is really about. Go and check for yourself. We all have different answers. Maybe yours is better than mine. Maybe it is the right one. Maybe not. ".

La libre interprétation, raison principale pour laquelle le contenu est si attachant, car chaque piste peut refléter des sentiments plus personnels.
Nous défendions plus haut la prépondérance des premiers instants. Votre épopée subliminale débute en un claquement de doigt, comme si le déclenchement du premier morceau vous hypnotisait en déboursant rubis sur l'ongle. Les douces émanations electronica tendent à disparaître au fil des titres, tous plus beaux les uns que les autres. Le glitch délicatement saupoudré apporte un réalisme certain, mimant les imperfections et autres erreurs de geste d'une sculpture de marbre d'ores et déjà achevée, qui excelle par sa perfection physiologique. Le beat n'est représenté qu'en première partie, mais parlons-en. Rarement à mes yeux il n'aura paru autant en adéquation avec ce qu'il accompagne. Entre les battements sourds du sublimissime Memory. Past. Future. Crime And Punishment, les clicks and cuts aiguisés de Wearing The Dress Of Someone Else ou encore la rythmique crépusculaire d'un The House Of My Dreams Is Made Of Glass, il apparaît évident qu'en dépis d'un très grand soin accordé aux nappes, les drums sont loins d'être mis de côtés. Au contraire, les couches coexistent en pleine démocratie, chacune venant ajouter sa pierre à l'édifice. Le piano de l'un et les nappes analogiques de l'autre bouclent cet album. Il n'y a aucune comparaison à tenir entre les deux hommes, chacun a sa technique, son instrument fétiche. Une chose est sûre, ils s'aspirent mutuellement vers le haut. 

Tomber sur un bijou comme celui-ci est je pense la meilleure manière de contourner la règle première du blog qui se veut à la base anti-actualité. J'espère donc que vous me pardonnerez. Une dernière chose, pour enfoncer le clou, l'album est téléchargeable gratuitement...

Have Faith!



lundi 13 août 2012

Nova deViator - Expression front (2001)




Si ce nom vous est inconnu, permettez moi d'ajuster le tir. Plus récemment présent sur la compilation Fabriksampler V4  mise en vente par l'écurie Pharmafabrik dont on parlait il y a quelques temps ici, le slovène Luka Prinčič donne de la voix sur le morceau They give us body relativement turbulent aux côtés de Neven M. Agalma, Cezary Gapik ou encore du français Franck Vigroux. Si vous connaissez Matija Ferlin, peut être votre route a t-elle pu croiser en chemin Sad Sam Lucky Outtakes, généreuse offrande ambient/drone réalisée par notre Nova deViator en parallèle du manifeste éponyme proposé par le chorégraphe croate susmentionné, rendant lui-même hommage aux travaux du poète slovène Srecko Kosovel. Un album qui aurait pu aisément terminer sur ce blog s'il n'était pas si récent. Un jour peut-être!
Luka prend plaisir à s'aventurer sur plusieurs terrains différents.Tantôt propice à la sérénité, tantôt à la frénésie noise, sa musique joue un double jeu. C'est ce même constat que l'on déterre une nouvelle fois via ce Expression front, résultat direct du Communication front 2001 qui se déroulait en Bulgarie, plus précisément à Plavdiv.

Du noise. Mais pas n'importe lequel. Ayant recueilli quelques discussions et avis auprès des personnes présentes à l'évènement, le slovène nous soumet donc un travail 2 en 1. D'une part les enregistrements spontanés auxquels il se joint également, placés aux extrémités des pistes, et d'autre part la participation plus "personnelle" du musicien. Album assez spécial en somme, puisque les essais expérimentaux laissent une place importante aux discussions. Rassurez vous, le tout est très bien amené, et apporte un certain mystère à l'ensemble. La rythmique émanant de cette radicalité noise témoigne d'un grand talent en la matière. L'homme dompte sa monture avec agilité et brio, donnant naissance à des séquences disloquées mais néanmoins profondément jubilatoires, à l'image de l'Expression front 002. Les textures se mêlent, s'entrechoquent, fusionnent, donnent vie à de nouveaux organismes qui à leur tour se combinent. Le résultat est ahurissant et surtout inhabituel, rarement on a entendu quelque chose de semblable, d'aussi émouvant finalement...

Pour autant , les pistes ne se résument pas à ce cheminement rocailleux. Monsieur deViator humanise en douceur ses morceaux (en plus des conversations) en leur incrustant quelques nappes ou mélodies translucides, comme pour amortir le choc, ou désinfecter la plaie. Ceci n'étant valables que pour les variations 002 et 003, au contraire de la 005 qui pousse son agressivité à un niveau aussi aride que brutal.
Outre les magnifiques stridences des premières démonstrations, c'est vers le drone que s'engage le slovène, drone tout à fait obsédant compte tenu des chuchotements répétitifs balayant le quatrième chapitre.
Le seuil minimaliste est atteint avec l'ultime effort comateux 006. Le musicien jongle entre bruit et silence, ce dernier prenant presque le dessus à vrai dire, en tout cas à travers la première minute. Les voix se veulent plus discrètes, l'horloge tourne au ralenti et parfois même recule de quelques secondes. Tout le travail repose sur les reverbs' et son penchant pour l'absence de stimulus auditifs.

Luka Prinčič signe ici un album fascinant et insondable qui conforte une fois de plus le talent de l'Europe de l'est pour l'expérimentation. Peut-on vraiment appeler ça un album? Il est possible que chaque phase soit en réalité autonome, ce qui expliquerai la présence de covers pour chacune d'entre elles (ici). En bref, un chef d'oeuvre. Rarement le noise ne m'aura autant séduit.

Have Faith!


dimanche 12 août 2012

Clubroot - S/T - Clubroot (LODUBS​-​09002 - LoDubs Records) 2009


Daniel Richmond, anglais de naissance, peut être fier de son coup. Premier effort cacheté sous son pseudonyme Clubroot, cet album éponyme impose sans entremise une certaine admiration. Ce jet initial a donné naissance par la suite à deux nouveaux albums en apparence produits en continuité du premier. En écoute ici pour le Clubroot - S​/​T (II - MMX), et ici pour le III - MMXII. Surgit des entrailles du label Lo Dubs basé dans l'Oregon aux Etats-Unis, le travail de Daniel est souvent comparé à celui d'un dénommé Burial.

Information à moitié erronée selon moi, car il suffit aujourd'hui de produire du dark/deep dubstep pour être catalogué comme un vulgaire plagieur de William Emmanuel Bevan. Il est évident que le rapprochement est un peu trop facile. Il y a des similarités, on ne va pas vous mentir, surtout en seconde moitié d'album dont on reparlera plus tard, mais la musique de Clubroot détient tout de même un style qui lui est propre. Point de rebuts R'n'b gémissant et autres craquements de vinyles, préférons donc des beats plus accentués et des subs mis en exergue avec plus de franchise aux rythmiques 2 steps étouffées, marque de fabrique de l'auteur acclamé du désormais classique "Untrue". La production est également plus électronique qu'organique. Les synthétiseurs délivrent une puissance beaucoup moins contenue, l'émotion s'extériorise plus qu'elle ne se bride. Et c'est de là que découle toute la différence entre les deux anglais. A défaut d'être perpétuellement triste, le ton se veut parfois plus menaçant et bien moins à fleur de peau, pour en terminer avec cette comparaison.

De sombres contrées brumeuses et incommensurables, c'est ce que laisse entrevoir cette petite fenêtre à travers laquelle notre imagination tente de dépeindre ce paysage à la fois fascinant et désertique. C'est en tout cas ce que la cover peut nous inspirer. S'offre à nous un climat glacial et anesthésié à l'écoute des premières secondes de Low Pressure Zone qui laisse présager un travail de soundscaping bluffant, présage qui se révéleras exact avec le bouleversant Embryo aux nappes bourdonnantes couronnées par des snares à la fois incisifs et aériens. La marque dubstep propre aux effluves du style du début des années 2000 est plus reconnaissable sur des morceaux tels qu'High Strung ou encore Dulcet, tout bonnement magnifique. Peut-être l'un des meilleurs titres taggé dubstep qu'il m'ait été donné d'écouter. Un sub discret et élégant, des intrusions de samples éthérés et volatiles en font l'une des pièces les plus réussis de l'album. Quelle classe.

L'art du soundscaping est mis à profit sur Birth Interlude, piste totalement destituée de rythmique qui scinde l'album en deux partie presque distinctes. Car oui, à partir de ce moment, l'influence Burial est flagrante. Talisman et Sempiternal (grandiose) ne me contredirons pas. Je ne le cache pas, je considère Burial comme un génie, même si ce n'est pas le cas de tout le monde. Il n'empêche que son influence a du bon, surtout lorsque l'on tombe sur des perles telles que ce Clubroot. Premier album, première claque, ça ne pouvait augurer que de bonnes choses pour l'homme originaire de St Albans.

Have Faith!


dimanche 5 août 2012

Einóma - Milli Tónverka (VFORM031 - Vertical Form) 2003


Adulateurs ou adulatrices d'IDM concassée, vous suivez le chemin qu'il faut. Vous qui chérissez tant les VNDL, les Dodecahedragraph, les sublimes sorties signées Xtraplex ou Tympanik, votre incessante quête de sonorités organiques aux rythmes brisés devrait se poursuivre plus qu'honorablement grâce à cet album proposé par un duo Islandais pour le moins exceptionnel. La carrière de Bjami Þór Gunnarsson et Steindór Grétar Kristinsson en est encore à son exorde lors de la sortie de ce Milli Tónverka qui étonne tout autant qu'il impressionne, car je dois avouer que les deux acolytes sont loin d'être débutants en matière de musique abstraite. Einóma aligne son savoir faire indiscutable en sound design pour les fractions cybernétiques enveloppant l'album, même s'il reste certains que leur talent déteint avec autant de réussite sur les mélodies accompagnatrices.


Avec le recul, Milli Tónverka, qui a déjà presque dix années d'existence, reste irréfutablement dans la course, et ne souffre absolument pas de son âge avancé, sur une scène qui se veut en priorité innovante. Il n'apparaît alors pas étonnant que cet album ai reçu des retours si positifs, tant il fut en avance sur son temps. Paru sur la sérieuse structure Londonienne Vertical Form créée peu avant l'aube du troisième millénaire, la production se rapproche parfois d'Integral (The past is my shadow) dans sa manière de traiter ses drums ou d'insérer quelques émanations de cordes (Blindhæðin). De quoi rassurer les allergiques du cybernétisme sonore poussé, que l'on défend tant dans ces pages. Le talent dévoilé ici n'est pas une surprise en soi, si par bonheur Undir Feilnótum a croisé votre route. C'était en 2002, c'était un premier coup d'essai, c'était déjà fantastique (écoute ici).

La barre est placée encore plus haute, et la punition est infligée d'emblée par Á floti dont la cadence au premier abord bancale est soutenue par les nappes obscures qui viennent arrondir les angles de cette piste verbeusement inflexible. Le beat est solide, puissant, les kicks lourds et sourds à la fois démolissent les entres à grands coups de béliers qui prennent alors des allures d'hydres invulnérables blindées à l'acier trempé et au béton armé. Les pistes sont la plupart du temps très alimentées, les moments de répits sont souvent brefs et inquiétants, autant dire que la démonstration de force sera éternelle. Samples liquides, rythmes opaques et mélodies cristallines se font échos sur le somptueux Eindir qui fait office de transition de l'obscur vers un renouveau plus étincelant, une grande bouffée d'air à la surface avant une seconde descente dans les abysses (Öldugangur). Les silhouettes disparaissent dans les tréfonds de l'immensité dont on ne discerne plus rien désormais. Le silence s'empare de tout, nos seuls sens rescapés nous jouent des tours, on se sent comme scrutés, les formes nous frôlent, nous heurtent, notre corps perçoit les remoues et l'angoisse monte, obstruant nos seuls faits et gestes. Glacial morceau que ce Vetrarvélin, stéréo obligatoire pour vivre pleinement l'expérience sonore créée par les deux compères. Les blips font état de l'immensité du lieu dépeint, nos yeux ne pouvant désormais plus rien capter du paysage présent. Troublant. 


La suite est toujours dans cette lignée intrigante qui a je l'espère fait le bonheur de vos oreilles lors de l'écoute des premières pistes. Ces Islandais sont de réels artisans du son, se jouent se l'espace et du temps avec autant de facilité qu'un gamin trifouille sa pâte à modeler. Et lorsque le rideau se ferme sur Blindhæðin,  on ne peut que hausser les sourcils et rester bouche bée pour un duo qui vient de nous achever en nous submergeant de maîtrise, et qui vient de propulser cet album sur le podium du blog. Un sans faute, plus que vivement recommandé vous l'aurez compris.


HAVE FAITH


dimanche 29 juillet 2012

tBH - Book Of Salms (NE-001 - NoEcho Records/ ca134 - Clinical Archives) 2008



La naissance du label NoEcho Records basé à Varsovie en Pologne est marquée par la sortie de ce Book Of Salms il y a 4 ans. Egalement publié sur le netlabel indépendant Clinical Archives, dont nous avions déja touché quelques mots pour l'album de 10Konekt et MIXoLIVE, la galette signée Krzysztof Klubo et Tim Shireman saisit l'opportunité d'assouvir notre curiosité, en dépis de sa courte durée. Seule et unique production estampillée tBH, la marchandise n'en demeure que plus intrigante, ne nous fournissant aucun point de repères ou de comparaisons.

L'écoute prend alors des formes de loterie, et n'ayant pas la moindre idée de ce qui nous attend via ce 5 titres, la surprise est d'autant plus belle. Belle, ou plutôt grande, car cet album n'est pas "beau". Choisissons de préférence bizarre, obscur et paradoxalement: fascinant. Cette musique là aiguise l'imagination, autant dans ses épisodes abstraits frôlant le volume 0 que par ses armatures drone salement saturées. Initialement, Book Of Salms est décrit comme étant un album ambient, même si promptement il nous fait comprendre que cette information n'est qu'approximative. Car en effet quelques vestiges electronica se font entendre de part et d'autre des morceaux. Des beat discontinus, estompés ou dressés à la gloire de l'expérimentation, qui ne sont il est vrai que placés au second plan, lors de leurs brèves incursions.

La première écoute laisse transparaître l'image d'un disque mis entre parenthèses, entre crochets, comme enfermé dans une bulle. Les morceaux d'ouverture et de clôture se ressemblent (sillages de rythmiques et tension palpable) et font figure de divinités protectrices, laissant vaquer leurs croyants à leurs occupations étranges. Ces deux titres olympiens et imprégnants sont tout simplement monstrueux, avec une légère préférence pour Alumni II, sorte de force tranquille aux jeu de cordes glaçants. Trêve de favoritisme, car il y a tout de même trois autres titres à défendre. Le (justement?) nommé Untitled-1, que l'on comparera volontiers à ces interférences captées par quelques satellites en recherche de vie extraterrestres. Nous disions plus haut que les pistes attisaient notre esprit créatif, c'est véridique, car les deux soundscapers parviennent à bâtir des univers bien particuliers, à l'image de Preu long de 10 minutes, rythmée de sirènes saturées et assourdissante, couplées de drone corrosif. En clair, c'est un album immersif, parfois effroyablement bizarre, mais très réussi, qui mériterait d'être diffusé aux inconditionnels de paysages sonores sombres.


Les pépites nécessaires à la survie de ce blog sont difficiles à trouver, tant le champ de recherche est vaste, ce pourquoi le blog tourne en ce moment légèrement au ralenti. Un article par semaine devrait être jouable, et je tiens à remercier les quelques fidèles lecteurs qui continuent à lire les balbutiements littéraires que sont ces modestes chroniques. En attendant, pour revenir à nos moutons, vous pouvez télécharger l'album ici!


Have Faith!







dimanche 22 juillet 2012

VNDL - Something for Someone (AR_015 - Abstrakt Reflections) 2011



Vous l'aurez compris, aujourd'hui on ne parle pas de VNDL par hasard, puisque si vous suivez un tant soit peu l'actualité, vous saurez que le jeune québécois est l'auteur de l'EP Triptyque et de l'excellent Gahrena : Paysages Electriques, cadeau estival proposé sur le label Hymen et placé dans le top albums de juin sur IRM, qui devrait cette année laisser place à une suite probablement nommée Gahrena : Structures, qui je peux vous l'assurer tiendra toutes ses promesses (avec comme toujours quelques collaboration soigneusement choisies). Something for Someone est son tout premier EP, quant à lui paru sur Abstrakt Reflections, écurie accueillant r.roo ou encore Lpf12. Le montréalais s'était déjà fait connaître auparavant, via la compilation Nothing Left For Us, qui est en libre téléchargement, grâce à un remix pour Exosphere, que l'on peut trouver sur leur dernier album Where nobody goes, ou encore à travers sa participation sur la compilation d'Architect ici.


VNDL est un inconditionnel des sonorités destructurées, abstraites. Inspiré par un certain Access to Arasaka, qui par ailleurs vient s'inviter le temps d'une piste pour ce Something for Someone, Philippe Vandal oeuvre dans ces musiques dites intelligentes, le moins que l'on puisse dire c'est que pour un premier lancé, ces 6 morceaux pouvaient d'ores et déja annoncer quelque chose de grand. Car malgré une durée avoisinant les 30 minutes, il parvient à exposer tout l'étendue de ses atoûts. Habile sur les plages ambient teintées de field recordings ou sur les balades de cordes sèches, l'individu prend également plaisir à détruire ce qu'il confectionne avec tant de subtilité, grâce aux séquences glitch et à ses beats concassés et désorganisées. Le titre de l'EP est tout aussi brumeux que la cover et que les pistes proposées. Ne vous attendez donc pas à de grandes envolées cinématographiques, crépusculaires et démonstratives.


Optons plutôt pour un univers cybernétique, au sein d'une société où mécanismes, câbles, générateurs et batteries d'énergie montées sur carcasses de ferrailles saupoudrés d'intelligence artificielle fonctionnent à notre place. L'introduction de l'album, qui plus est introduction du diptyque Don't forget the machine (dont la deuxième partie dévoile la facette d'un VNDL plus endurant) donne le ton posément. La guitare est tout le long harponnée de nuisances glitch qui installent le paysage sonore du sound designer. Les cordes ont été sectionnées. Désormais, place à l'abstraction. Le beat entre en jeu avec When it rains, sorte de drill and bass démolie et rongée de l'intérieur par l'acide. Le type ne semble pas beaucoup apprécier la pluie. Radicalement plus puissant, ce beat s'alourdit et se précise sur Corpus Textural. Access To Arasaka vient ajouter sa patte, plus que reconnaissable, sur le chaotique 960BXK à l'introduction fantômatique. L'album se clôt sur le titre éponyme, déployant une rythmique à la fois violente et parfaitement contenue, comme foudroyée à de multiples reprises, en plein élan. Totalement tiraillé, morceau simplement impressionant.


Pour être honnête, je n'ai pas eu la chance de pouvoir suivre le parcours de VNDL dès ses débuts, je n'ai découvert le bonhomme qu'il y a quelques temps via l'EP Triptyque. Une chose est sûre, je l'aurai vivement recommandé "à l'époque" si c'était le cas. Vivement la suite, je pense qu'il ne devrait pas nous décevoir avec ses prochaines sorties. C'est du sérieux.


Have Faith!