"this is an album. it's an album i had been working on for quite some time. it's far from being perfect and even further from being perfectly or professionally mixed and mastered, but i think it's pretty good, but never trust the people. you have already known that, i guess."
Apparition inexpliquée, phénomène surnaturel, tout ce que peut laisser sous-entendre cette silhouette juvénile à l'allure presque ectoplasmique choisie pour illustrer cet opus. Le genre d'artwork intrigant au possible souligné par un petit détail, cette flèche rouge pointant cette minuscule masse noire, comme pour cibler un OVNI apparu on ne sait où, on ne sait comment. Canular ou pas, I Ate Some Darkness quand à lui, ne triche pas. Accouché en tout début d'année par le suisse Mattr. basé à Berne, qui nous régalait il y a tout juste 4 mois d'un autre excellent album (Wasting my life, en écoute ici), le beatmaker revient en force avec cette production solide, aux confins d'un abstract hip-hop plus noire que noire, bien plus que son prédécesseur, malgré une atténuation notable en milieu d'album. Le niveau monte d'un cran, constat d'autant plus honorable puisque excepté l'artwork, Mattr. s'est occupé d'absolument tout: production, mix et mastering. Un DIY mêlé à une grande modestie, à en croire les quelques mots laissés par le musicien sur son bandcamp.
A world I used to know entame le périple, le ciel est pourtant dégagé, mais rapidement saturé de cumulus opaques aux couleurs peu rassurantes. Guidée par un beat de 10 tonnes sans concession, cette mécanique là est inébranlable, plante ses fondations à des centaines de mètres en profondeur, éviscérant les sols, fracassant les architectures. Parenthèse ouverte, si Mondkopf se mettait au hip-hop, il y a de grandes chances que ça ressemble à ce morceau. Parenthèse refermée. Au fil de l'album, l'ambiance évolue, joue en dents de scie entre noirceur extrême et douce tristesse. Retenons ainsi le contraste entre le flippant Life Is Over There, ses voix glaciales sorties d'outre-tombe, non-identifiables, ses blips abyssaux, avec à l'opposé de ce tableau le magnifique All the pain I did not feel, (presque) seul essai au piano de l'album.
Ce qu'il y a de remarquable dans tout ce travail, c'est cette capacité à ne pas nous ennuyer une seule seconde. La temporalité est extrêmement bien maîtrisée, les tracks évoluent sans cesse, relancent leur machinerie à des moments terriblement bien choisis. C'est le cas notamment de They will forget the light qui a mi-parcours, usant toujours des même outils, arpente une direction totalement différente pour débouler sur une deuxième partie tout simplement superbe, gonflée d'émotion feutrée par une voix féminine samplée face à laquelle il est difficile de rester de marbre. Dans le même registre, impossible de passer à côté d' I had been hungry all the years, plus downtempo dans l'âme. une nouvelle fois, nous sommes pris à contre-pied, ayant l'impression d'écouter plusieurs titres mixés en un seul. Grave erreur, après nous avoir mis à l'écart à grand coup de pelle dans la tronche, le beatmaker nous rattrape au dernier moment pour réitérer l'affaire une nouvelle fois. Multipliant les fausses pistes, il parvient tout de même à garder une grande cohérence et de ce fait à susciter une grande admiration. Il se joue de nous, et on tombe carrément dans le panneau.
Personnalité discrète du fait de sa parfaite autonomie (même si l'on est d'accord, les deux ne font pas forcément la paire), la musique de Mattr. n'en demeure pas moins poignante, faisant écho d'une grande maturité. À suivre de très près donc. Par ailleurs, le téléchargement digital permet de débloquer 3 pistes bonus pour lesquelles je vous laisse faire votre propre opinion.
La grande classe, Have Faith!
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